La cuisine cuisinée

La cuisine cuisinée

La technique peut-elle être inhumaine? Question-réponse face à l'affirmation courante selon laquelle l'homme serait supplanté par la machine. Difficile de concevoir que ce qui est en apparence extérieur au « corps » puisse être de notre fait, et nous appartenir. Economiquement et légalement, l'appropriation est organisée ; on annexe vite les choses en instituant un droit de propriété. Et les brevets manifestent clairement et nommément l'attachement à la personne d'un fonctionnement technique. Autrement dit, on voudrait se séparer de la machine lorsqu'elle embarrasse parce qu'on en a perdu la maîtrise et elle nous appartient en propre quand il s'agit des royalties du brevet. Il n'est donc pas question  de s'appesantir sur ce positionnement qui a eu ses théoriciens (Ostwald Spengler, Lewis Mumford).
 

Qu'est-ce qui se fait en cuisine ?
 
L'aliment qu'on cuisine entre rituellement dans un rythme ternaire: hors d'oeuvre, plat de résistance, dessert. Il est donc nécessité par ce qui l'annonce et commande ce qui suit ; ensemble, ce sont trois moments qui esthétiquement en appellent aux contrastes de goût, de consistance, d'aspect, etc.
Nous ne faisons pas que cuisiner l'aliment, nous préparons le repas. La cuisine est donc mise au service de sa présentation et informée de ces autres dispositifs qui font la table. Le manger se pare en composition: son aspect se gère aussi en amont et complémentairement par les dispositifs de chauffe, de découpage, de broyage, rapage, mélange, etc. Banalité qui a son importance: le plan de la table est déjà dans le plan de chauffe.
Dans cet ouvrage de présentation, magiquement nous ingérons des pouvoirs: alicament, le manger comporte aussi des effets qui dépassent la diététique: il est connaissance du monde, partages, échanges de société pas seulement autour d'une table. Dans l'identité des contenus d'estomac se rejoue socialement les identités: il y a celles du cuisinier (ère) qui instaure le rustique, le paysan fuyant le raffiné, le délicat élitiste, l'écolo qui éprouve la nature, la franquette, l'éclatement, etc. Et celles de chacun sommé peu ou prou de participer à son offre de société et de plaisir, celles de chacun qui résiste avec sa façon de manger plus ou moins proprement, de découper à distance, d'enrouler la viande du légume, de tremper avec ou sans retenue, de pousser du couteau ou de la miche, tout ça dans le chantier de l'assiette.
Le repas n'est proposition , invitation de fête que par la négation du manger pour n'être que mise en appétit, excitation des sens.
Le repas n'est pas toujours fête, mais techniquement le moyen d'assurer la bonne santé de chacun, tous les jours ou du sportif, du randonneur de montagne, du travailleur de forcequi qui se doivent d'entretenir une forme physique exceptionnelle. Il est chargé de parer à tous les efforts à venir et chacun sait alors qu'il prend des forces quand il a moins d'appétit.
Il peut être une technique de digestion par ses ingrédients et leurs associations ou une technique d'entretien corporel jusqu'à la cure d'amaigrissement.
Pour gérer cette diversité de fins et de faims, il y a notre capacité à faire que techniquement le même ne soit pas le même: c'est toujours des pommes de terre mais tantôt des frites, tantôt de la purée, des pommes vapeur, des chips, etc. Les molécules se transforment différemment selon les dispositifs qu'on emploie: il y a les grillés, les macérats, les séchés, les matériaux d'acidité, de sapidité, de neutralité, de douceur ... Nous œuvrons en les espérant et en les découvrant par les conduites fluctuantes de la cuisine.

 
Les actions en cuisine
 
Par les verbes: battre, ajouter, mélanger, poser, chauffer, faire, refondre, épaissir, en remuant retirer refroidir porter bouillir vider verser servir fouettée colorer retourner brûlé enflammer arroser attendre s'éteigne orner en tournant tremper continuer prendre enlever couper couvrir faire cuire évaporer saupoudrer frire perforer coule remplit saler laisser glisser mettre émietté rissoler poivrer éplucher écraser recueillir réduire découper reverser préparer égoutter baisser brunir macérer beurrer garnir plonger défourner démouler devienne porter garder compléter réchauffer rectifier piquer inciser décoller adhérer recoudre...on dit qu'on fait beaucoup et beaucoup plus que ce que le vocabulaire permet
Ce qui montre qu'on ne peut pas tout dire de ce qui se fait : à la douzième page d'un livre de recettes de 94 pages , j'ai déjà épuiser le lexique ; les mots reviennent, toujours les mêmes.
"Les choses contiennent l'infini", dit un poète; nous avons besoin de l'affirmer, de nous en convaincre mutuellement pour sortir des routines. Car de même que les sens imaginables, les actions possibles ne sont pas infinies. C'est que les actions n'échappent pas aux techniques disponibles et on ne peut rêver de cuisine que par les équipements existants, de même qu'on ne peut dire en dehors des mots. Il semble qu'une infinité d'actions soient possibles et en même temps, les actions que nous entreprenons sont limitées à celles que gère la technique disponible. Autrement dit, aussi inspiré soit-il, le géni est limité par sa culture technique. Ajoutons que celle-ci détient des possibilités qui font son inspiration. 

 
La poêle à frire et la casserole pour bouillir
 
La technique est définie habituellement comme un ensemble de moyens au service d'une idée, d'un projet. Cette façon de penser laisse indemne le génie, elle tend à affirmer que l'opérateur est maître de ce qu'il va faire comme si ce qu'il fait était ce qu'il voulait faire. L'anthropologue s'efforçant d'approcher l'homme tel qu'il est, tel qu'il dit , tel qu'il fait et non continuellement tel qu'il voudrait être, l'important est pour lui de réaliser que les choses élaborées comportent comme l'ordinateur, des programmes incorporés et que du coup on ne fait pas avec elles n'importe quoi. La poêle est pour frire, la casserole est pour bouillir comme la chaise est pour s'assoir. Ces fins que spontanément on repère à travers les choses forment nos conduites comme d'ailleurs les moyens qu'elles apportent en tant qu'elles réalisent des matériaux. 
Si on admet volontiers que le moyen est ciblé et que cet objectif auquel il est destiné est un élément spirituel qui fait échapper le moyen à une stricte matérialité, il est plus difficilement admis que la fin soit marquée de matérialité. Ce point est pourtant le plus important à comprendre pour ne pas confondre la fin et l'intention. Ce que l'on va faire n'est pas ce que l'on veut faire. Puisque les fins sont matérialisées, il n'y a pas de tâche en dehors des dispositifs qui les matérialisent dans leur nombre et leurs différences. La friture va de pair avec des dispositifs de chauffage et de fusion et de trempage. Difficile, voire impossible d'échapper aux routines nécessitées par la mise en oeuvre de ces dispositifs.

 

La technique se réduit-elle à savoir quels sont les moyens nécessaires pour faire telle ou telle chose? La réponse est non.
 

Que fait le goûteur? Il n'a en bouche que le goût (comme le peintre n'a en vue que les couleurs de sa palette) parce que c'est par exemple la salinité qui est son matériau, pas le sel, car un ingrédient peut être en lui même salé ; il porte sa fourchette vers sa bouche, c'est la fourchetée qui détermine ce qu'il y mettra (en même temps que la grandeur de sa bouche, certes): pas de la sauce en tous cas! Et s'il prend alors une cuillère, la quantité se fera cuillèrée. Bref, la technique n'a pas le souci de satisfaire son appétit, elle s'en moque, par défaut ou par excès: la fourchette pique le poulet tout entier tandis que la cuillère n'apportera pas plus que la cuillèrée.


Ceps

 

Ceps de vigne retournés et ficelés. Anonyme
 
 

Le hasard et la nécessité1
 
Laisser tomber un objet manufacturé, une chose ouvrée comme une casserole ou une boîte de rangement, c'est peut-être l'occasion de se rendre compte d'une nécessité technique intégrée à la chose en cause: à savoir que la casserole a comme la boîte un fond plat qui les adapte ipso facto à différents plans, de sol, de cuisinière ou d'étagère. On comprend alors le renversement des mots d'usage qui conscientise le rapport au fait que la maison nous range: une même tâche traverse les objets usuels - qui sont donc ses formés et ses produits - en les formant selon un plan support, manifestation du "rangeage" qui n'implique pas nécessairement du rangement. Chaque chose impose son ordre, ce n'est pas un hasard mais, dans ce rapport à l'aménagement intérieur, une nécessité technique.
Dans ces conditions, faire tomber un objet usuel c'est-peut-être une production analytique où s'expérimente le fait qu'il n'est pas tombé n'importe comment et qu'on peut le refaire tomber pareillement. 


 

Formes: la forme représentative et la forme active 
 
La forme de l'aliment n'est pas redevable de la perception, celle-ci ne prend pas en compte l'ouvrage qu'il incorpore, elle le traite comme n'importe quel objet visuel. En somme il n'y aurait qu'une différence d'apparence entre une casserole et un nuage. 
Que l'un soit hors de portée n'est pas non plus affaire de perception. On ne prend pas le nuage, on prend la casserole et pas de n'importe quelle façon: en repérant une forme de manche qui fait appel à la manutention que je sais disponible.
Ce qui veut dire que la casserole impose une prise en raison de l'analyse que l'activité m'impose. La prise sépare manifestement le récipient du manche, nous voyons ainsi deux unités abstraites dans une seule unité matérielle.
On contestera le fait de l'unité matérielle par référence aux fonctions, si bien qu'on versera facilement dans une analyse fonctionnelle qui voit dans l'ouvrage autant de parties qu'il y a de fonctions. C'est sur ce point aussi que se distingue l'ergologie de la technologie ambiante. Pour l'ergologue, il n'y a pas de geste plus rationnel qu'un autre: je peux prendre la poêle par un endroit de son bord autre que le manche, c'est possible donc cela relève autant de la rationalité ergologique que la saisie par le manche. Dans cette manipulation on notera seulement que le manche n'existe pas et que la manipulation se réaménage sur la base d'un autre matériel qui n'en présente pas moins un dispositif: le bord s'offre au pinçage par le pouce et l'index, puis le pouce en crochet tient la poêle en bascule sur l'index, index et pouce entrent alors dans un autre dispositif de levage. Que l'usage exclut cette façon de prendre en raison des risques de brûlure ou de contamination de la nourriture qu'elle présente, cette utilisation est techniquement possible et parce qu'elle voit dans la poêle un autre équipement, elle est tout aussi rationnelle que la plus commune. En somme, on n'analyse pas l'ouvrage comme on le démonte: les unités que la manipulation en extrait ne sont pas des pièces matériellement et concrètement séparables, elles sont abstraites. D'où la formule en forme de conclusion: l'art est abstrait avant même l'art abstrait.


La position du cuisinier-cuisinière et celle du gourmet
 
L'un paraît plus actif. Mais peut-être n'ont-il pas la même activité.
Si l'on considère le rapport à l'action, il s'agit d'un rapport entre un moyen et une fin, tel que le fait de prendre tel moyen réalise l'existence de telle fin . Par exemple, l'ingrédient, la casserole, le fourneau, le gaz sont des moyens asservis a des fins de cuisson.
Si l'on considère le rapport au goût, est-ce une question d'activité dans les mêmes termes de moyens et de fins ? Certes, goûter implique des actions mais le gourmet est là principalement pour étudier une sensation, c'est une perception-représentation qui l'occupe, voire un imaginaire de comparaisons où la saveur prend sens, en même temps, il y prend plaisir, il satisfait un appétit en enchaînant des projets gustatifs et alimentaires et autres parmi les convives, l'un pouvant détrôner l'autre.
Quant à celui ou celle qui a en charge la confection du repas, le gouter n'est qu'une opération de contrôle, il s'agit de tester le met pour savoir si la fin visée est bien là ; c'est donc dans un rapport à l'activité que ce fait intervient. Toute la cuisine antérieure n'en est que le moyen. Et c'est ainsi que les ingrédients sont convertis en mets, les moyens sont oubliés au profit de la fin, le canard au profit du canard laqué.

Pourtant l'opposition tombe si l'on considère que la cuisine se fait aussi en bouche par le choix des aliments : on sait que le vin et le fromage s'apprécient complémentairement...
 
 
Deux conduites
 

Biberonfrites

BiberonfritesBiberonfritesL'outil est inefficace

 
Le technicien fort de l'outil


Selon ce type de conduite, peu importe que le met ait telle saveur, le goût est recoupé par le pouvoir piquant, le constructeur ne goûte pas: ce qui veut dire que l'épice relève, et qu'il suffit d'ajouter la dose, un point c'est tout. Une pinsée de sel, deux lancés de poivre avec le poivrier et il n'est pas nécessaire de goûter.
On voit que dans cette conduite, la chose à faire n'est pas la priorité: une procédure technique assure un résultat, et c'est le principal. Cuisine "légère", donc, parce que le cuisinier "léger" a déjà fini en commençant. Même facilité quand le temps de cuisson fait tout ( l'appellation "faitout" le dit, ce n'est pas un hasard)


 
Autre type de conduite: le cuisinier asservi à sa casserole
 
Le cuisinier est alors rivé à l'avancement de l'ouvrage, la fin n'est jamais là jusqu'à la fin: il ne cesse d'éprouver la qualité gustative de ce qui se prépare et qui évolue constamment, les facteurs étant nombreux, ils sont pris chacun d'eux comme les moyens de fins dont la convergence est à contrôler en continu en agissant sur chacun d'eux. Le maître queux est alors fièvreux, besogneux, pleinement occupé par son travail. Cette conduite soucieuse, mobilisant pleinement le constructeur, est dite instrumentale.


Instrument et outil en cuisine
 
On dit que quelqu'un instrumente lorsqu'il s'efforce, mais toute action est un effort, de mettre en rapport un moyen avec une fin. Quelqu'un outille (son action) dans le moment où il a recours au seul fonctionnement d'un équipement. Instrumentalement, le cuisinier, la cuisinière vise à produire un met ou un repas, il s'engage dans une action lorsqu'il allume le four (moyen) pour obtenir une chaleur adéquate à la cuisson (fin).
Il entre dans une conduite outillée lorsqu'il fait fonctionner le four en tournant l'interrupteur. Bref, il est technicien lorsque ça paraît simple ! Il reste toutefois à positionner le bouton d'allumage sur le repère signalétique. Ceci exige de l'attention. C'est cette attention qui situe le cuisinier dans l'action ; faute d'attention, il ne fait que faire fonctionner son poignet en prise avec la rotation de l'interrupteur (mouvement de routine déterminé par l'équipement). Toutefois la technique, qui dans son principe est fainéantise, soulage l'acteur puisqu'elle offre du traçage-guidage sous forme d'un repère visuel ou d'un cran. On voit que l'action instrumentée a toujours un tant soit peu recours à l'outil. Inversement, l'opérateur ne peut s'en tenir à un fonctionnement qui oeuvrerait tout seul: c'est facile de zapper parce qu'on n'a pas à sortir de son fauteuil, encore faut-il appuyer suffisamment, appuyer sur la bonne touche, orienter la télécommande et éventuellement vérifier que les piles sont encore bonnes, idem pour la cuisine: il ne suffit pas d'enclencher l'allumage en appuyant sur le bouton programmé, il faut regarder si le rôti est dans le four, s'il est enfourné ni trop haut, ni trop bas, etc.
Dans toute activité, il y a donc des moments de conduite légère,
ça roule pour nous, et d'autres préoccupants parce qu'on est pleinement dans l'action, il faut tenir. 
 

La fabrication en cuisine et ailleurs
 
"Ceci n'est pas une cuillère" 
 
Nous sommes tellement dans les usages que nous ne voyons qu'un seul mode d'emploi à l'instar de l'image publicitaire qui force à la monovalence du message. En transposant la fameuse formule de Magritte au plan de l'activité, on conçoit que le mode d'emploi n'est pas une évidence pour tous. Un ustensile peut devenir insolite, étranger, par l'effet des différences d'usages liés aux époques, lieux et milieux et il arrive qu'on s'interroge à propos de son utilisation. La pipe n'est pas encore suffisamment obsolète pour intriguer chacun mais on peut encore ajouter aux sens dénombrés par René Jongen2 une interprétation qui n'est plus un sens supplémentaire mais une recherche de mode d'emploi, un rapport actif, non représentatif aux choses (cf. le croquis qui transforme en un plan d'architecture le dessin de la fameuse pipe) Il ne s'agit plus d'un autre objet à mettre au compte de la polyvalence du message, mais d'un autre trajet lié à la polyergie de l'ouvrage.
Voir un seul dispositif là où l'autre en voit deux possibles, c'est là toute la malvoyance propre aux différences de styles, irréductible, comme le malentendu lié aux différences de langues. Le détournement d'usage correspond de façon consciente à cette reconstruction socioartistique de "l'objet usuel", le destinant à un autre service. Il n'est toutefois qu'un déplacement d'usage et non une conduite réanalysée autrement: qu'on remplisse de terre un sabot, une barque, ils restent des contenants ; certes le chaussage, la flottaison ne sont plus exploités, mais le rapport à la chose n'a en perspective que le changement de service procuré. Plus fondamentalement technique est le fait de repérer à travers la chose proposée un autre fonctionnement: qu'on recouvre des plantes pour passer l'hiver en recourant à la barque en cause et c'est une technique différente qui se met en action. 
 

 
Les matériaux
 
Qu'est-ce qu'un matériau?


Traditionnellement la science apporte une réponse en termes de propriété de la matière, de chimie des corps simples, le tableau de Mendéléiev étant la référence majeure où les matières sont données comme des faits réels qui ne doivent rien à la technique mais tout à la physique. Au passage, notons déjà que les cases du tableau augmentent avec les perfectionnements techniques, ce qui ruine le postulat de la science de la nature, à savoir la séparation des faits physiques de l'activité humaine. Ainsi, les uranides ont fait leur apparition avec la technique atomique, et le technium est exemplaire comme aveu d'une grosse dette envers la technique.
Nous disons que le matériau n'est pas la matière, mais son analyse en différents pouvoirs utiles. La conséquence est que le matériau peut être fourni par la lumière ou l'énergie.

 
Les matériaux dans la cuisine
 
Voyons comment existent les matériaux techniquement:
Lorsque le boulanger fait du pain, le problème qu'il a résolu depuis longtemps est de faire une miche qui ne soit pas une brique. La brique s'oppose à la miche en ce que sa moëllosité l'oppose à la dureté de la brique: avec une miche l'alimentation est possible, avec une brique, c'est la construction qui le devient. Mais le matériau n'existe pas seulement en fonction du service qu'il nous rend: la moellosité se réalise aussi par le coussin, l'éponge, le tapis, etc.
C'est ce qui explique en partie qu'on ne s'assoit pas sur une miche de pain (vous me direz: y a la croûte!) C'est que dans le pain le croustillant s'élabore avec le moelleux, en une seule pièce. Il n'empêche que ces deux pouvoirs s'excluent en tant qu'identités mécanologiques: ce sont des fabriquants qualitatifs. Si le boulanger ne laisse pas reposer sa pâte, il peut néanmoins aboutir à un pain consommable: c'est le pain azyme. Le pouvoir levant de la pâte l'oppose donc à toutes les autres pâtes dont le pain azyme, car la pâte à sel n'est pas non plus levante, mais la plante aussi présente un pouvoir levant lorsqu'elle soulève les trottoirs. Et allons plus loin encore: la mousse polyuréthane ou polyester expansive rendue célèbre par le sculpteur César réalise aussi un pouvoir levant.
En résumé, les matériaux ne sont pas les matières, ce sont des pouvoirs, des utilités qui se réalisent par des matières différentes et une même matière peut offrir une diversité de matériaux.
L'ensemble est structuré, les matériaux existent par leurs différences qui résultent de la mise en opposition d'unités supposées (la plaque de fer, de verre, de silicium, de caramel, de pain azyme, de verglas, etc., l'aliment : pouvoir nutritif - sapidité - salinité - pouvoir piquant - pouvoir odorant - acidité - pouvoir d'amertume - tendreté - onctuosité - pouvoir craquant - pastosité, etc.
La question est de savoir qu'est-ce qui autorise une telle liste en apparence non exhaustive? La liste des matériaux est-elle limitée? 
La réponse est oui, de même que le langage est lié à un système phonologique fermé, l'art, en tant qu'activité technique se trouve régi mécanologiquement par un système fermé de matériaux qui se définissent par leurs différence et par la disponibilité d'un outillage correspondant à une tâche. Si les traits pertinents sont limités par un rapport au sens du langage, le matériau est lui-même, en tant que moyen élaboré, limité par un rapport à la fin technicisée.

 
Engins et dispositifs à table
 
Ou quand la technique alimentaire réaménage le manger en raison même de l'inefficacité de toute technique.
Débutons par une soupe. À commencer par l'assiette qui débite par avance la quantité à ingérer : trop ou pas assez, qui le sait face à la possibilité du dosage offert par l'assiette et la louche indépendamment de l'appétit du destinataire ?
La capacité digestive, l'appétit, ne sont pas les seuls à décider de la quantité à ingérer.
Dans le rapport à la soupe, la cuillèrée dit, par le terme même, combien la gorgée est préparée techniquement: on n'avale pas immédiatement, le dosage et le versage débitant le liquide, organisent l'absorption.

 
Engins dans la cuisine
 
Généralement, on a recours au terme d'"ustensile" en cuisine et généralement aussi, on considère que l'ustensile est un intermédiaire entre la main et le produit. 
Pour faire valoir autrement le fait qu'avec une casserole on n'est pas disposé à faire n'importe quoi et que la casserole impose un mode d'emploi manifesté par notre façon de la prendre, nous devons considérer non pas la chose elle-même, mais les pouvoirs équipés qu'elle détient en termes de « 
pour faire quoi ». Ce qui compte techniquement dans la casserole c'est le préorganisé des actions, qu'elle détient en quelque sorte, dans son élaboration. Le prêt-à-faire dans une casserole n'est pas unique ; il y a tout au moins à la prendre et la remplir, ce sont deux programmes réalisés par l'équipement d'un manche et d'un récipient. Il faut donc parler au pluriel pour dire la diversité et la pluralité que la casserole contient abstraitement.
La conséquence d'un rapport technique à la cuisine consiste paradoxalement à négliger ce que le cuisinier recherche (ex: offrir des aliments nutritifs et goûtés qui mettent en appétit). Pourquoi? Parce que l'action outillé néglige l'infinitude des moyens et des fins pour s'en tenir aux équipements abstraitement disponibles en dépit de ceux mis à disposition. En somme le technicien est celui qui refuse le moyen et la fin de l'action immédiate pour n'exploiter que les moyens et les fins élaborés. De sorte qu'il est en retrait de l'action, pour être dans une action outillée.

 
La cuisine par découpage
 
On sait que l'éminçage fait le goût: prenez une carotte et mangez la telle quelle, vous obtiendrez en la croquant une saveur que vous ne retrouverez pas en mangeant de la carotte râpée. Et encore, le goût varie en fonction de la râpe, plus ou moins fine. Est-ce toujours du goût de carotte qu'il s'agit ?
Le découpage produit des saveurs ; il produit aussi des parts, preuve que la technique se moque des services qu'elle peut nous rendre.
Magiquement, la réalité vient à la rencontre de la technique quand les stries du melon préparent sa découpe en tranches égales et rayonnantes, quand la cacahuète se divise en demi-portions, etc. Ce n'est alors que la projection du dispositif de découpage qui fait voir des réalités.

 
La cuisson opposée à la combustion est-elle un dispositif ?
 
La question est à considérer au regard de la différence entre le fait et l'effet. 
La fabrication entendue comme propositions formelles de finalités se distancie de la production où les gestions d'actions deviennentt prioritaires.
Un dispositif correspond au rapport détecteur de tâche à un ensemble de moyens élaborés de telle sorte que ceux-ci sont pris alors globalement comme le formant d'une identité téléologique, la tâche. Leur groupement constitutif met en vue l'identité d'une fin qualifiée par d'autres dispositifs différents. 
La fin disponible qu'ils proposent ne coïncide pas avec le service rendu (effet) par leur mise en action (fait). 
Partant de cette base d'analyse, la cuisson apparaît comme un effet différent de la combustion, mais non comme un fait qui, pour être tel serait assuré par un dispositif différent. Les termes de cuisson et de combustion pèsent mythiquement sur l'analyse puisque la combustion désigne aussi bien un dispositif que son effet. Quant à la cuisson, par les faits de règlage d'une minuterie ajouté au chauffage et à l'enfournage, elle pourrait bien désigner l'unité d'une machine en cause.

 
La cuisine par épluchage-manutention: une production analytique
 
"Il n'était pas un geste qu'elle ne commence et termine". Je capte ceci à la radio ; y a-til une volonté en cause, probablement. Mais il est possible de rapporter cet extrait à une question relevant spécifiquement de l'activité:
qu'est ce que terminer un geste?
Ainsi, l'extrait radiophonique pourrait dire que la technique loin de pourvoir à la fin de l'action, dès son commencement propose ses propres fins, déclenchant des programmes opératoires que seule l'attention interrompt. Mais il est vrai que l'automation du four micro onde donne plus fortement l'impression d'une contrainte de programme que le couteau engagé pour trancher un légume. Le maintien de la pression de la main est toutefois par sa routine, aussi systématique que la technique désincorporée.
Exemple de l'épluchage du concombre
Le problème tient aux extrémités arrondies qui ne se prêtent pas facilement à l'épluchage-manutention.
Ne pas terminer un geste ce serait, dans cet exemple, s'en tenir à ce qu'il est possible d'effectuer facilement par épluchage-manutention (machine) c'est-à-dire en une seule manoeuvre: le légume étant pris d'un côté et épluché de l'autre. Le réaménagement difficile (instrumental) consiste à prendre le concombre à pleine main pour pouvoir tailler les bouts (dans l'hypothèse du rasoir à légume ou du couteau "économe"). Ne pas terminer, ce pourrait être aussi le fait de continuer à éplucher par entraînement, en ne changeant pas le mode opératoire.
Pratiquement, la cuisson des carottes en épluchures est plus rapide qu'en tranches... Esthétiquement, elle réintroduit les déchets dans l'aliment et magiquement, son goût change...

 
Similarité téléologique: la table en tant que lieu atelier commun
 
Que la table puisse s'intégrer à plusieurs machines, les rendant similaires est un fait répété quotidiennement. La conséquence est qu'elle produit ainsi de la confusion en assimilant ce qui est à différencier : c'est le plan de travail du chantier d'écriture, de couture, de lecture, de pâtisserie, de découpage, de nutrition, de locomotion (pour les petites voitures et autres jouets à roulettes), de décoration.
Mais ce n'est pas parce que plusieurs dispositifs sont coprésents qu'ils sont similaires ; ils sont en même temps corrélés à d'autres qui existent techniquement bien qu'ils ne se soient pas manifestés : le plan participe à l'identité téléologique de l'installation. C'est ce dispositif récurrent dans nombre de machines qui les structure par similarité indépendamment des secteurs industriels.

 
Complémentarité: la table en tant qu'elle est aussi tableau et logement 
 
Pour élaborer de la complémentarité entre les dispositifs de présentation et d'installation qui ferait de la table un pour voir et un pour y mettre les pieds, le constructeur spontanément fait de la table une scène en la nappant. Cette façon de faire ne peut assurer plus qu'une mise en vue par contraste des éléments offerts en même temps que leur stabilisation. Supposons qu'on redresse à la verticale le plan de table pour le conformer à la seule présentation frontale du tableau et la complémentarité n'est plus, sauf à fixer par collage le couvert et les aliments comme le fit Daniel Spoerri. La séparation des machines n'est jamais concrêtement réalisée ; chacune comporte formellement le lien avec d'autres: ainsi lorsque l'on considère le logement des assises des convives, on voit que c'est une certaine hauteur de la table qui garantit leur insertion au-dessus comme au dessous de la table (encastrage-installation). Peut-on alors empêcher que seul les bustes soient en présentation, autrement dit que cette complémentarité ne produise aucun effet sur la précédente? L'invention de la table pour un roi fou permet de réaliser qu'on peut organiser d'autres passages que sous la table.
 

Table pour un roi fou

 
 Table pour un roi fou, Le grand répertoire, machine de spectacle, François Delarozière, 2003. 

Travail collectif: Peter De Bie, Frank Dierens, Jo Roets, Anton Van Haver 


 
 
Le produit culinaire 
 

Organoleptique et ergoleptique
 
Le mot a été créé par Chevreul que les arts plastiques connaissent bien dans le rapport au contraste de complémentarité des couleurs. Une fois encore, ce sont les sensations qui semblent exclusivement conviées: « Organoleptique : qui affecte les organes des sens. Les qualités organoleptiques de l'aliment sont la saveur, l'odeur, l'arôme, la texture et l'apparence: tout ce qui peut le rendre ou non appétissant et agréable à manger".
L-V. Vasseur, J-J. Bimbenet et M. Hillairet, Les industries de l'alimentation, p.25 (Que Sais-je n°110)
On dit d'un vin ou même d'un cidre qu'il a des qualités organoleptiques. On comprend que l'apparence trouble d'un cidre contribue à sa dépréciation. La clarté est un critère d'appréciation qui correspond à notre capacité à voir l'aliment, à le séparer de ce qui ne l'est pas. Et de fait les matières azotées qui composent la lie sont rejetées. Faire un cidre c'est donc produire de la clarté et pour cela recourir à un pouvoir de clarification qui a lieu naturellement semble-til dans la cuve, par décantation une fois la fermentation faite (bouillonnement) mais ausssi chimiquement en ajoutant du carbonate de calcium pour assurer la défécation. D'une sensation nous sommes passés à une action. Y a-t-il eu un changement de point de vue par rapport à une chose qui n'a pas bougée, non, dans un cas la chose c'est la bouteille sur la table du restaurant ou dans la pipette du dégustateur, dans l'autre cas c'est une élaboration qui inclut un équipement bien plus large que celui qui outille la consommation. Quant au rapport aux choses il a lui même changé, le cidre est produit alors qu'il n'était que goûté, pris par nos organes des sens.

Pour le cidrier, le cidre est une fin et il dispose pour y parvenir de moyens. Tandis que pour le consommateur, c'est un ensemble de sensations, voire de représentations. Celui-ci a soif et symbolise au gré de son imaginaire alors que celui-là agit.
On a coutume de penser les deux en terme de complémentarité. Or le consommateur n'est pas sans technique, il sait aussi faire car il n'y a pas que le cidre dans la vie ; il a donc aussi à faire valoir une activité de constructeur, il est peut-être cuisinier, mais peut-être mécanicien auto. Il va donc goûter avec sa technique, c'est à dire peut-être pas goûter parce que les qualités finales que vise le cidrier ne sont pas les siennes.
Mais d'abord, qu'est-ce que goûter avec sa technique ? (par analogie, que fait voir sa peinture ?)

 
Les goûts produits (qualités ergoleptiques)
 
On ne peut goûter qu'en fonction de notre propre expérience des goûts. Celle-ci introduit des différences et affine ainsi le palais. Pourtant la capacité sensorielle semble pouvoir étalonner les proportions: la langue peut déterminer un degré dans le rapport au salé, sucré, acide, amère. L'hypothèse est que, sans affadir les mets, la technique de chacun catégorise et dénombre des faits où s'associent le culinaire et le gustatif. Nous ne pouvons avoir en bouche que ce que nous avons nous mêmes produit. C'est ainsi que le champagne vieilli en mer peut avoir du toasté, du brioché.
De la même façon que, placés dans le rapport au langage nous sommes relativement sourds, (c'est-à-dire que nous n'entendons plus que les sons pertinents et ceux qui ont du sens), dans le rapport à l'art, nous ne percevons que ce que nous pouvons produire qu'il s'agisse des couleurs ou des saveurs. De sorte que les actions susceptibles de donner du goût à l'aliment ne sont pas toutes entreprises et des saveurs passent à la trappe, elles ne sont pas perçues. C'est donc une anesthésie relative que la technique suppose. 
Relative, car la technique inversement fait sentir ce qui ne pourrait l'être par nos seuls sens: comme la peinture qui fait voir en inventant son propre espace, la technique culinaire invente son palais. Finalement, on peut dire qu'elle réduit culturellement le palais et en même temps elle l'ouvre en le formant de ses différences et unités. Un autre réalité gustative est produite.

Analogiquement et inversement à la récupération de l'oeuvre d'art en produit publicitaire, en carte postale, etc., supposons qu'un vinaigre fin soit mis en rapport avec une gamme de vin, il sera rejeté immédiatement. Faisons entrer ce même vinaigre dans une gamme de vinaigres à déguster: il n'a plus la même saveur. De la même façon, il y a des farines qu'on dit colles, des purées que le gamin sans appétit ratisse et modèle comme des châteaux de sable, des fromages moisis...
Dans la cuisine, il y a ce que l'on ne sent pas comme en peinture - où le blanc de l'image en couleur n'est pas celui du noir et blanc - , il y a ce qu'on ne voit pas, anesthésie technique dont nous ne pouvons nous débarasser sous peine de perdre la technique elle-même qui fait la légèreté du technicien cuisinier. Anesthésie sociologique aussi où le rapport au gras ou la cuisine légère, voire insipide, situe le gourmet qui passe vite du délice au désagrément. 

1*En lisant ce passage du livre de Jacques Monod où il est question , de la page 17 à 33, "d'étranges objets", différents des objets naturels: les produits des activités humaines, des artefacts.
Toutefois, la mention d'objets dotés d'un projet ne laisse pas de place à des faits qui relèvent de fonctionnement sans intention d'agir à la différence du terme de trajet où de l'action outillée est possible sans contrôle du constructeur.

2 Jongen, René-Marie. René Magritte ou la pensée imagée de l’invisible, Facultés universitaires St-Louis, Bruxelles, 1994


  


 
La production
 

Le réinvestissement de l'inefficacité : Picasso, Le gobeur d'oursin

 

Picasso lutte ici contre l'absence d'adhérence d'une craie qui glisse sur un support lisse. Il ne complète pas son dessin d'un trait qui accrocherait davantage et marquerait plus franchement le plan, il s'acharne et reprend plusieurs fois le même trait. Le thème du gobage d'oursin rejoint la façon de faire: la difficulté n'en est plus une dès lors qu'est acceptée la réduction du fait technique qui limite les effets jusqu'à inscrire cette limitation, en tant que tessiture, dans les trajets de l'ouvrage. A rapprocher de ce rapport au labeur, ce travail de Philippe Cognée où, sur un empâtement frais, organisé sur toute la surface, il répète une tentative d'inscription au fusain qui s'enfonce et se casse "à tout bout de champ", la pâte recueillant les débris. 
Pratiquement, la fragilité de l'oeuf n'est pas toujours liée à l'omelette dans le panier, c'est un pouvoir lorsqu'elle est exploitée dans le cassage sur le bord du récipient ou pour former les deux trous de l'oeuf à gober.

 

Constructeurs et exploitants: chaque invité recuisine le repas
 
Face au même plat, nos conduites diffèrent. Untel engloutit sans réaménagement ce qu'on lui offre: l'absence de modification n'est qu'apparente car peu ou prou, il y a transformation: ce sont les mains qui saisissent le met, pliant la crêpe en deux mouvements de rabat et c'en est fait d'elle en deux ou trois bouchées dont le goût dépend d'une mastication minimum. Ou bien c'est un arsenal qui se met en branle, l'attaque alimentaire mobilise le beurrier, puis la
crêpe est maintenue sur la pile encore chaude, suffisament pour ramollir les copeaux de beurre sinon pour faire fondre cette graisse qu'un couteau étale sans oubli. La durée des opérations maintient les non-acteurs en attente, on voit ainsi que l'opérateur risque une présence lourde qui n'est compensée que par la conviction plus ou moins partagée que c'est comme ça qu'on mange les crêpes.
Le crêpier, la crêpière n'ont fait que produire par leur ouvrage des possibilités de gôut comme les sens que les interlocuteurs attribuent au message. La crêpe, identique physiquement n'est pas techniquement la même pour chacun, autour de la pile alimentaire, les convives ne parlent pas la même technique.
Nous traduisons l'ouvrage et les crêpes font ainsi des trajets divers, qui opposent chez l'un la crêpe à la galette, chez l'autre la crêpe de froment à celle de blé noir, diversité qu'exprime encore la trilogie crêpe de froment, crêpe de sarrasin, galette de pomme de terre, la série est déjà multiethnique (chacun défend ou reconnait son terroir- territoire) avant qu'on la rallonge par les apports: blinis, galette végétale, etc.


Le mélange des industries
 
Si les rails se font spaghetti, les cotes d'agneau offrent leur manche. Le mélange des industries, c'est la capacité technique qui le cultive. Cf. Hervé This, Casseroles éprouvettes et Les secrets de la casserole, notamment cet exemple où il préconise l'utilisation de l'air liquide pour faire des glaces !
Nous repèrons de l'identique au travers d'états très différents de la matière, si bien que des secteurs industriels éloignés se trouvent offrir le même matériau.

(Rails de chemin de fer déformés par la chaleur en Australie l'été)


Ainsi, le document ci-dessus montre que la longueur des barres d'acier augmentée de la chaleur confère de l'élasticité à cet acier que spontanément on prend pour la dureté même.

 

Proposition d'atelier, séricuisine :
 

Devine, devinette
Mets plats, assortis à la table: 
Le cuisinier sortira de l'assiette,
Etalera son offre en suites linéaires
Recherchant, découvrant l'improbable
Elément de réponse:
Sur des supports plats, la sérigraphie limitera l'offre d'aliments, élaborera des pâtes aptes au raclage et au passage à travers les écrans. Elle se combinera aux pochoirs que peuvent réaliser les feuilles, les crêpes, tous les plans qui se découpent, avec emporte-pièce ou non. Puis les invités passent à tableau.


 
Une production analytique


La cuisine cuisinée: de quoi s'agit-il ?

 

Il s'agit de jouer une recette en cuisine, en ralentissant sa réalisation pour que chacun puisse intervenir et prendre momentanément la place de l'acteur. Le rôle de chaque acteur consiste à montrer ce qu'il fait quand il cuisine: non pas seulement un gâteau, des crêpes, etc., mais des mouvements organisés à son insu, qui ont tous leur raison d'être, même s'ils conduisent à des ratés: ce sont des actions liées à des équipements, attentives ou machinales, qu'on trouve aussi ailleurs qu'en cuisine et qui s'inscrivent dans la culture technique de chacun: on ne parle pas tous la même technique. 
Puisqu'il ne s'agit ni de diététique, ni de gastronomie, pourquoi questionner la cuisine? Quels sont les avantages de la participation à une telle expérience:
- Elle est l'occasion de se rendre compte que chacun est technicien parce qu'il est homme, indépendamment du fait qu'on développe ou non cette capacité technique par nos métiers
- On ne se paye pas de mots pour le faire croire, le faire silencieux suffit à montrer du rationnel ; si du moins pour un temps, on accepte de ne plus être absorbé par la chose à faire, ou de ne plus être la tête dans le guidon (ou dans la casserole), comme on dit.
- Ce recul correspond à la légèreté du technicien qui spontanément agit avec des routines, des fonctionnements assurés par avance, au risque de ne plus faire attention à ce qu'il fait: cette expérience peut être l'occasion de réfléchir aux accidents de toutes sortes.
Se connaître mutuellement avec nos différences de styles qui conduisent à des méprises quant à ce que fait l'autre.

 
La cuisine plastique, magique et pratique
 
On comprendra que la récurrence du même dispositif d'épluchage dans deux opérations successives consistant à éplucher puis à débiter le légume puisse relever du mode plastique de production. Puisqu'ainsi dans l'ouvrage c'est une façon de faire qui commande aux autres qui suivent comme un chef d'orchestre pour produire au total un registre formel homogène.
On cuisine encore magiquement, sans qu'il faille aller chercher loin ce type de rapport puisqu'il suffit de supputer le bienfait de tel ou tel aliment quant à la digestion, la vitalité, etc. sans prendre la peine d'expérimenter la relation en cause.
Enfin, on n'a pas cure d'extrapoler quant aux vertus de la cuisine lorsqu'il s'agit pratiquement de contenter les estomacs par la quantité définie en portions.

  


La tarte
 
La tarte et la carte


 
L'engin ne se réduit pas à ce qu'on a dans la main, c'est un principe d'analyse et de segmentation abstraite des moyens.
La carte bancaire, la carte de paiement électronique qu'on introduit dans les caisses automatiques présentent deux faces entre lesquelles parfois, il faut choisir. Elles présentent aussi deux sens, ce qui fait deux fois deux possibilités d'utilisation, deux pouvoirs techniques intégrés matériellement à une chose.
La forme technique du ticket de paiement électronique tient au fait qu'indépendamment du rectangle visuel qu'il est en tant qu'objet de perception, il porte une couche sensible électromagnétique sur l'une des faces. Cette face vaut alors comme unité de moyen technique puisque c'est elle, le recto, non le verso qui réalise les informations portées par la bande magnétique. De même en ce qui concerne le plat ou moule à tarte, il présente deux faces entre lesquelles, sauf pathologie, nous n'hésitons pas longtemps: l'une des faces présente des bords rigides, ce qui suffit à la constituer comme creux utile (pas nécessairement moule). L'autre face n'est pas moins utile même si elle ne focalise pas notre attention, la surface plate est une base et une adaptation à de nombreux plans de travail et autres surfaces utiles dont la grille du four (d'autres formes de base existent qui vont du trépied jusqu'au stabile mis en avant par Calder en passant par la table qu'on connaît et le coussin d'air qu'on connaît moins). 
Dans le moment ou nous mettons le plat au four, nous le crochetons pour qu'il ne tombe pas des mains ; ce geste (sans que l'anse soit nécessaire) réalise une prise qui est dans le bord et dans le positionnement des doigts en forme de crochet (une autre forme de prise consiste à placer le pouce sur le bord et les autres doigts par dessous, ce qui utilise les deux faces du moule). Ce fait donne existence au bord techniquement et avec un double effet mécanique: c'est un bord de moule et c'est une forme de prise. Le plat à tarte par l'une de ses faces seulement présente donc déjà deux unités de moyen: un récipient et une prise. Notons que ces deux réalités étaient déjà là, avant qu'on les réalise par notre action . Revenons à notre carte, elle porte deux signalétiques, l'une visuelle, l'autre électronique, ce qui correspond à deux engins sur une même face où nous sont offerts une couche d'encre et une couche d'oxyde de fer ou de magnétite. La prise utilise les deux bords comme c'est possible avec le plat à tarte. L'action réalise ces engins ou ne les réalise pas mais ils sont toujours disponibles, prêts à être utilisés: le coup d'oeil sur la carte pour avoir quelques indications ou sur la caisse, correspond à cette façon de faire exister ou non l'engin.


 
La légèreté de la tarte

 

Ce qui rend la tarte, comme la carte si légère c'est que nous ne sommes pas constamment en train d'élaborer les moyens ni les dispositifs qui vont refaire la recette. Ce qui l'alourdit, c'est le suivi de la recette puisque la technique nous assure d'un résultat mais ne peut nous garantir que notre visée particulière sera atteinte.
Aussi performant, aussi productif puissions nous être, nous ne pouvons faire que ce que l'outil propose: pas de mets qui ne soit le produit de notre technique ni de pensée en dehors de la grammaire qui l'organise.


 
La saveur produite


 
Le sucré-salé de la tarte aux lardons et à l'ananas, c'est produire en cuisine le titillement des papilles, c'est réveiller par une production en contraste les sensations que la langue peut susciter. Une langue que les contrastes hors d'oeuvre, plat de résistance, dessert visent pourtant artificiellement à éveiller.


 
L'identité alimentaire

 

Il m'est arrivé de constater que certaines garnitures de tartelettes présentaient un mélange qui n'était pas loin de la colle. Inversement, nous connaissons l'Ersatz qui consiste à faire de la colle avec de la farine et de l'eau. Les qualités alimentaires voisinent avec d'autres qualités utiles. La même matière présente ainsi une diversité de matériaux. La farine n'est pas la lessive, cependant le pouvoir pulvérulent des deux fait qu'on les conditionne de la même façon. Il faut éviter néanmoins de mettre de la farine dans le lave-vaisselle, si du moins vous voulez qu'elle lave. Il y a aussi une expression qui affiche un autre matériau de la farine, le pouvoir colorant ; nous lui devons en partie "les gueules d'enfarinés". Peut-on ajouter à la liste des matériaux au gré des services qu'ils nous rendent: c'est un des points qui font la différence entre la matière et le matériau, entre le moyen et le matériau.
Ce qui fait exister techniquement le matériau, ce sont les dispositifs techniques qui fournissent les utilités fondatrices des matériaux. Pas de pouvoir colorant sans chromatisation, pas de pouvoir liant sans collage, etc. En même temps, les matériaux n'existent qu'en raison d'oppositions entre les utilités, ils forment un système de différences mécanologiques. Au total, pas de substance, rien que des relations abstraites: l'art est abstrait dans l'oeuf (qu'on en mette ou non dans la tarte!).


 
L'unité alimentaire

 

Le mets est une portion qui n'est pas fonction du seul appétit du gourmet, du fin gourmand ou non. Liquides et solides se débitent en fonction des récipients et des ustensiles. Pour revenir à notre tarte, on rétorquera qu'elle se divise en autant de parts qu'il y a d'invités, certes, mais lorsqu'elle se débite au couteau, et même par cassage au morceau jusqu'à la réduction en miettes, il est à considérer que le mode opératoire est toujours un tant soit peu inadapté au service. On sait qu'une tarte à diviser en cinq est un problème qui peut être résolu par l'arrivée du 6ème invité, mais généré par notre équipement et notre conduite outillée. Autrement dit, il reste toujours du découpage dans le produit, si ce n'est pas le découpé en plus ou en moins, c'est dans le jeu du couteau qui d'un seul coup sépare: qui dira après que par les 31g et demi qu'il a eu, c'était exactement ce qu'il lui fallait? A supposer que diététiquement pour un régime soucieux des calories, on pèse, c'est alors la balance qui agit par ses divisions graduations. Pour manger, on n'ira pas jusqu'au milligramme, et lorsqu'il s'agit de vendre encore moins: la technique de paiement prend alors le relais, c'est "le compte rond" qui va dans le panier, pas toujours la quantité biologiquement nécessaire.


 
Action et technique dans le rapport aux dispositifs


 
Quels sont les dispositifs mis en oeuvre pour cuisiner la tarte? Et quels sont les dispositifs qui font la tarte? Deux questions relatives à la production qui correspondent à la conduite active liée à l'instrument et passive liée à l'outil. Dans la conjoncture de production, il s'agit pour le constructeur de se procurer les moyens et les fins élaborés, puis, une fois là, leur fonctionnement fait le travail, il suffit juste de contrôler le résultat.


1- le livre ou la fiche de recette
2- l'installation qui suppose un plan de travail
3- le déstockage des ustensiles
4- le déballage des ingrédients
5- le pétrissage
6- la disposition
7- le chauffage
8- la déposition au four

En a-t-on oubliés? C'est la question que se pose le constructeur soucieux de la chose à faire. Si l'on vise un ordre opératoire, on peut accepter la réponse négative. On peut reconsidérer la question: quels sont ces dispositifs ou plutôt que font ces dispositifs? Il est certain que celui qui ne différencie pas le pétrissage du malaxage ne verra pas dans ce nécessaire à tarte les mêmes dispositifs que ceux qui les opposent. On malaxe du mastic, de la pâte à modeler et aussi des citrons (en les faisant rouler sous la paume). Donc les dispositifs ne se définissent pas objectivement identiques pour tous mais relativement aux techniques de chacun. On croit être en cuisine et on est donc aussi ailleurs en raison de l'existence structurelle des dispositifs. Les dispositifs qui se rapportent à d'autres techniques précisent ceux qui sont pratiqués en cuisine: l'enduisage n'est pas le collage si le pouvoir liant de l'un est opposé au pouvoir adhésif de l'autre. 
Les opérations ne se précisent pas seulement par les choses à faire mais par les dispositifs disponibles. C'est pourquoi, lorsque nous parlons d'une tâche nous l'envisageons par les moyens élaborés qui assurent une fin. Pas de tâche en somme en dehors des dispositifs qui la font exister: pas de tâche qui ne soit opposable à une autre par une différence de dispositif : le brassage n'est pas l'essorage, soit, mais en raison d'une rotation alternative et d'une absence d'évacuation de l'eau qui mettent ou non l'appareil en panne. Le malaxage n'est pas le pétrissage (la technique du dictionnaire rend synonyme pétrir et malaxer en raison de l'importance donnée à la chose à faire): la pince du pouce opposé aux autres doigts, cette pince de l'un est remplacée par la presse de l'autre (pensons au poing qui presse) ou le bras de l'autre (pensons au pétrin à bras rotatifs ou au bras qui par rotation verticale soulève la pâte et la laisse retomber). Tous ces coups de main différencient les tâches.
 


Quand règne le chauffage

 

...avec l'incontournable "temps de cuisson".
La durée de cuisson montre à l'évidence que face à la technique, on ne fait pas ce qu'on veut. Soit il faut attendre et faire patienter les invités parce que la tarte n'est pas encore à point, (on se rend compte ainsi que le produit de la technique inclut ses exploitants, c'est aussi une société qui par exemple va faire durer le repas principal, sortir ses jeux), soit elle est un peu brûlée, c'est que le chauffage ignore le point de cuisson et continue jusqu'à la combustion: "ma tarte!"
Le temps de cuisson est relatif à nos besoins de vie, la technique ne limite qu'une durée éventuellement gérée par un programmateur, la technique ne détermine pas le point de cuisson, (qui fait partie de la chose à faire) mais dès lors qu'il est décidé et convenu, "on ne peut aller plus vite que la musique".

 


La machine en cuisine


 
Lorsqu'on parle des dispositifs, ce sont en fait des qualités et des quantités qui sont impliquées: ainsi le mélange suppose une base de déposition sinon une jatte de déstockage, il suppose aussi une double manutention, faute de quoi la jatte tourne avec le contenu. La machine correspond à cette intégration de tâches diverses dont les différences vont être négligées en formant l'unité.


La machine, dispositifs solidaires


La machine ne se réduit donc pas à un ensemble de pièces articulées. Car la machine dont on parle habituellement n'est en fait que la partie émergée de l'iceberg: il faut considérer la partie cachée, la capacité que nous avons de solidariser des dispositifs. Cette intégration de plusieurs dispositifs en une unité de telle sorte que l'un n'existe pas sans l'autre, se réalise chaque fois qu'on agit. Chaque fois une machine au moins est mise en action comme chaque fois qu'un sens est produit un mot au minimum est énoncé. Faire, c'est composer sans le savoir à partir d'au moins deux dispositifs: ainsi lorsque j'introduis la tarte dans le four (comme lorsque j'introduis la carte bancaire dans le lecteur), le pousser-glisser est une manoeuvre qui exploite la grille et le four (contenant). L'enfournement n'est pas un geste laissé entièrement au style de chacun (chantant, dansant ou posé), il passe par un incontournable: la grille est-elle mise à disposition (libre)? Le moule à tarte est-il à même d'opérer comme un ski? Enfournage et glissage sont ainsi liés dans une seule unité, l'un ne va pas sans l'autre. Quittons la cuisine et son four, pour autant on n'a pas délaissé avec cet atelier le glisser-déposer, on le retrouve dans le drag and drop de la pratique informatique.


 
Similarité, assimilation

 

J'entends parler des machines à entarter les célébrités qui déçoivent. La tarte apparaît alors comme un projectile. Ca paraît plutôt vrai instrumentalement que par l'outillage, maintenant essayons d'analyser de plus près: si on s'approche de cette catapulte de François Delarozière, on voit que la base de lancement offre par ses dimensions et par ses bords un plateau adapté à la pose stable de la tarte, on voit ainsi que la tarte peut participer pleinement à la réalisation d'une projection. (Il n'y a pas que la projection de diapositives, il y a la projection vidéo et j'allais oublier les engins de guerre, j'espère au final y échapper ). C'est donc le rapprochement des machines qui fonde des classes en raison des dispositifs qu'ils partagent. Pour que le lancement manuel de tarte rejoigne la projection du javelot, il faut beaucoup d'attention, s'efforcer faute de prise de maintenir en équilibre la tarte sur le plat (plateau?) de la main, preuve que la manoeuvre n'est pas asssurée, la tarte peut tomber avant la propulsion et sur les chaussures du lanceur de surcroît.

 


Complémentarité et la complémentarisation


 
Entre la cuisine et la salle, il y a des relations, mais si on dit qu'elles sont "synchro", c'est une question de vie en société et en intelligence, la complémentarité des machines ne requiert pas l'entente, elle l'assure: c'est par exemple un trou dans une cloison par où glissent les plats. 
De même que les invités peuvent attendre la cuisson, (sans le savoir) on peut attendre le chauffage ou mettre à chauffer tant que dure la préparation de la pâte, le chevauchement des séquences montre déjà comment le constructeur rend les séquences complémentaires: l'une est dans l'autre en ce que le chauffage commence avant l'enfournement, qu'il peut être accéléré ou ralenti, vif ou doux selon la pâte à saisir, à cuire ou la chose à déssècher. La complémentarité suppose que la préparation de la pâte même inclut une partie du chauffage: ainsi on précuit la pâte pour éviter l'écran de protection que serait la couche de fruits, on fait des trous dans le fond de tarte ou bien on le plombe avec des petits cailloux pour éviter le gonflement lié au chauffage. La complémentarité et la complémentarisation, c'est toute la différence entre l'outil et l'instrument, c'est aussi leur compromis qui se manifeste dans la production.
Ainsi je peux exploiter la durée du chauffage nécessaire pour faire de la sérigraphie en attendant: j'aurai ainsi complémentarisé deux activités qui ne sont pas gérées par la technique en complémentarité (sauf à considérer l'installation de la cuisine qui peut servir aux deux)

 

Faire la pâte au tupperware


 
Le geste qui manifeste du matériau 
On ne tient pas un plat en porcelaine comme une assiette en plastique ; l'absence de fragilité est un pouvoir de la matière plastique tupperware. Tapoter sur le couvercle n'est pas sans rapport avec le pouvoir de résonnance que peut réaliser le récipient.


Le geste qui manifeste de l'engin
Les deux mains divisent ou unifient le récipient, tirant le couvercle et retenant le bol de l'autre main ou bloquant le tout des deux mains.
L'engin en tant qu'unité de moyen n'est pas réductible à la pièce détachée. Si relativement à un jeu on considère le tupperware avec son couvercle comme un cache pour une surprise, c'est la totalité qui constitue alors l'unité de moyen (un cache) sans qu'on puisse séparer du bol le couvercle. Le jeu du lancer de ballon montre que le ballon est une enveloppe d'air tout comme le tupperware.


Le geste qui manifeste de la tâche
Le tupperware n'étant pas une passoire, on ne le pose pas nécessairement au fond ou au dessus d'un évier ou d'un récipient. Il outille le stockage et s'oppose, par absence de trous du récipient, au tamisage.


Le geste qui manifeste de la machine
Le fait de remplir suppose que le stockage est possible : remplissage et stockage se font ensemble et de même le secouage qui suit même s'il n'a pas lieu simultanément. Le mélange, c'est le résultat, non un dispositif.


Le geste qui manifeste de la similarité
- entre les engins : prendre un chapeau pour récipient au lieu d'un bol fait apparaître de la perméabilité dans le rapport au liquide contre de l'étanchéité. Mais cette identité mécanologique est réalisée si l'on stocke du grain.
- entre les machines : Il suffit de faire le geste du lancer de ballon avec un tupperware pour qu'on saisisse un emballage d'air auquel s'ajoute du gonflage dans le cas du ballon.


Le geste qui manifeste de la complémentarité
- entre les engins: l'ouverture du sachet, tel un tuyau ou un entonnoir réalisent cette complémentarité, puisqu'ainsi l'un est dans l'autre par un troisième ustensile qui canalise l'échange entre deux récipients.
- entre les machines: on sait qu'il faut pencher d'une certaine façon le récipient et avec une certaine rapidité pour que le bec verseur ne produise pas de goutte à côté du récipient d'accueil (lorsque le versage fonctionne à plein). Ce geste outillé d'accompagnement entre en complémentarité avec le versage-manutention.