La productivité technique

 


Master 1 - Spécialité recherche Arts Plastiques - 2010-2011
 Gilles Le Guennec

 

On pourra utilement se reporter au chapitre sur l'ergologie de l'ouvrage de Philippe BRUNEAU et Pierre-Yves BALUT: Artistique et Archéologie et aux sites relatif à l'ergotropie , la fabrication,   la production 
Voici une analyse ergologique d'oeuvres, à titre d'exemples... 

 
1er cours : introduction à l'ergotropie: la technique et le sens

Il y a un présupposé tenace : celui de considérer le sens du langage, élargi parfois jusqu'au sens historique, comme le seul service que la technique puisse apporter à l'homme de culture. En conséquence, l'image tient une solide place parmi les productions agréées par la société. Ce privilège, la déictique (l'industrie de l"image) le dispute maintenant aux arts corporels, de la pratique du sport aux performances plastiques et expériences théâtrales en passant par la danse, la communication et l'incommunicable (autant dire la non-communication), où la modalité de l'échange l'emporte alors sur le contenu du message. 
Si l'on s'attache à préciser ce qui est légitimement acceptable face à une performance de production, ophélimitée , on bute sur l'angoisse du non-sens : celui-ci paraît intolérable en raison du nihilisme dont on le qualifie spontanément. Aucun projet culturel ne peut se prévaloir d'une recherche n'ayant pas de sens. 
Qu'entend-on par là ? Une recherche qui n'apporte aucune représentation claire ou clarifiante, aucun objet qui puisse susciter et entretenir une réflexion édifiante, aucune compréhension d'un phénomène quelconque qui intéresse l'humain ? 
Considérons la technique et ce qu'elle peut apporter : au-delà de la déictique qui en restreint la portée au sens en tant qu'objet, image ou signe , l'aide englobe l'ensemble des industries : industrie dynamique , lorsqu'il s'agit d'accroître techniquement son efficacité, industrie schématique lorsque les besoins naturels du sujet et les relations sociales sont à satisfaire et à construire, et industrie cybernétique lorsqu'il s'agit d'assurer la maîtrise d'un projet par un contrôle technique. Les industries du sens sont donc un secteur restreint de la production technique et des valeurs légitimantes existent en dehors du langage et de sa logique. 
Dans le rapport à l'image, on peut tenter de déconstruire l'apport légitimant, la valeur ajoutée qu'on qualifie de sens dans un sens extensif pour conjurer l'angoisse du non-sens. L'image manifeste ainsi quatre valeurs:
valeur d'icône, d'indication et de gramme 
valeur de fait, d'entreprise et d'équipement 
valeur de présence, de contact et d'échange 
valeur de motif, de modèle et de méthode 
Satisfaction du désir d'agir , Philippe Bruneau et Pierre-Yves Balut, AA, 54. La vérité étant réservé par les auteurs à la satisfaction du désir de connaître, l'équité , à celle du désir de s'entendre, et la beauté , à celle du désir d'esthétique. 


Diaporama:
Le sens en tous sens 
 
2 ème cours : La technique et le produit 


Le savoir tient habituellement au signe. Le cognitivisme renouvelle cette réalité en imputant le sujet : ce que nous connaissons n'est pas seulement un rapport aux choses introduit par la perception et la pensée du langage. La médiation, qui est une école d'anthropologie clinique complexifie le tableau. Elle avance l'hypothèse d'une raison diffractée, conférant à l'humain quatre dimensions : langage, art, société et droit. L'une des ces réalités nous préoccupe : l'art. Suggérée à la fois par le modèle du signe et les pathologies neurologiques, l'art est une réalité autonome qui a sa propre organisation qui ne se réduit pas à la représentation du langage, ni à la réalité individuelle et sociale de l'être, ni à celle du désir et du vouloir. 
Ce qui est à faire valoir c'est le fait qu'on se trouve alors confronté à un pouvoir spécifique de l'activité, qui est un pouvoir faire et non un pouvoir politique. C'est Heidegger qui étant de langue allemande indiquait que die Kunst,l'art, était de même racine que können, pouvoir. L'art peut faire: c'est dire que toute l'activité outillée s'organise par ce pouvoir disponible déjà structuré. On aborde le faire le plus souvent en impliquant des moyens et des fins qui se complexifient en matériaux et en techniques dans le meilleur des cas. On ne postule pas l'existence d'une fin indépendamment du but poursuivi à la différence de l'anthropologie clinique qui avance l'hypothèse qu'une fin est déjà là, pré-organisée. De sorte que, avant même d'entreprendre quoi que ce soit, le problème à résoudre est posé par les dispositifs techniques existants. 
Chaque technique jette ainsi sur le réel un certain regard qui le forme en réalité produite. L'image plane me fait voir en plan ce qui est en volume, la sculpture en relief fait voir l'équilibre des masses, la sérigraphie les écrans et les trous, la photographie, les variations de luminosité, la gravure à la pointe sèche les détails, la peinture, les surfaces, l'ordinateur, les unités et leur quantité, la vidéo, le mouvement, etc.Mais il faut entrer dans l'organisation de la technique elle-même pour distinguer la part du matériau, de l'engin, du dispositif ou de la machine dans ce qui se produit finalement. 
 
Diaporamas:
Les sens et non sens produits
La productivité de la technique 
 
 
3 ème cours : La production de l'être et du droit 


Se référer à "N'être par la technique" 
Diaporamas:
La productivité schématique 
La productivité cybernétique
 
4 ème cours : La production de la représentation et de l'efficacité


La technique et l'image produite
Considérons l'image en tant que moyen et fin dans une action de monstration d'une représentation. Développons le fait hypothétique qu'elle est gérante de cette représentation mais aussi tributaire des moyens et des fins techniquement disponibles. Cela revient à suspecter dans la représentation mentale la part de l'outil qui assure son traitement. Qu'est-ce à dire ? Le fait qu'il n'y a pas de donnée qui ne soit en même temps produite, c'est à dire construite, au sens où ce réel n'existe que médiatisé par la technique.
Exemple: la troisième image
La technique fait voir: voyance de la technique 
Comment se fait-il que le lecteur de bande dessiné interprète la succession des cases comme une mise en mouvement de l'image ? La question me fut posée hier, par Philippe Marcelé, auteur de bandes dessinée lui-même et enseignant à Rennes 2 aussi en Arts Plastiques. 
Au lieu de tenter d'y répondre, je préfère souligner le constat qu'elle présuppose : la technique fait voir des réalités spécifiques, celles qui sont nécessaires à sa mise en œuvre. Ce n'est plus d'une convention, ni d'un code qu'il s'agit, qui imposerait de voir comme un mouvement, sinon un événement, le passage d'une vignette à une autre. Pour dire ce phénomène, il faut admettre une certaine voyance de la technique qui fait surgir devant nous un monde artificiel dont l'artificialité s'oublie aussitôt que le constructeur agit . Nous voyons les choses en plan bien qu'elles soient en volume, c'est la technique du dessin qui l'impose , nous voyons de même les choses en mouvement bien qu'elles soient fixes. 
La technique produit un regard spécifique comme le signe une explication qui propose des rapports invisibles entre les choses. L'invisibilité de la technique est là dans son potentiel de dispositifs qui va au-delà de la capacité physiologique et de Gestalt : du mouvement est produit en l'absence de l'effet de permanence rétinienne. Et c'est la culture technique qui l'invente. 
Mais la technique nous montre aussi des réalités contre la magie qu'elle propose aussi par ailleurs. Le dispositif du poing américain, arme blanche, se montre indifféremment à travers ce qui est écrit, love ou hate. 
Isaac Julien (document visuel)

Diaporamas:
La productivité déictique
La planification
La productivité dynamique 
 
5 ème cours : Trois modes de production: par visée magique, plastique et pratique


On se référera à "L'outil et l'instrument" 
Diaporamas: 
Trois visions produites: pratique, magique, plastique 
Par l'outil et l'instrument 
 
6 ème cours : La productivité par face: selon l'analyse des moyens et des fins


On se réfèrera au cours d'ergologie 


Diaporamas:
•  Productivité mécanologique: 
- productivité du matériau 
- productivité de l'engin 
• Productivité téléologique 
 
 
Autres liens: 
Situfais 
Rennes Médiation 
Anthropiques 
WebQuandPuce 


 

La production du réel

 

La « machine climatique » est un exemple patent de l’emploi métaphorique de la technique.

Ce sont en effets nos équipements machiniques qui nous font voir dans le réel des machines de toutes sortes. L’effet de serre est un modèle explicatif, il montre aussi ce qu’il doit à la technique et ses expérimentations.

On saisit ainsi que ce qu’on appelle le produit n’est pas limité au trajet « final », il inclut la perception technique qui trouve dans le nouvel appareillage un nouveau prisme illusoire parce qu’indissociable d’une réalité toujours en construction. Malgré les biologistes refusant le cerveau-ordinateur, celui-ci apporte une représentation qui n’est pas sans compter. Le monde ne fonctionne pas à la façon dont techniquement on le gère et pourtant… tous les modèles physiques sont là pour dénier et donc montrer l’importance de cette magie au fondement de la compréhension du réel, magie d’autant plus prégnante qu’elle est « accompagnée » d’une science légitimante.

11/06/2004

Boîte vide à remplir et chose à caser

 

L’omnipotence de la pensée est partout supposée, en art alors que le faire devrait présider principalement à la destinée de l’œuvre on peut constater qu’on demande à la pensée , à ses interrogations de produire, c’est-à-dire de gérer plus que des concepts. Demande-t-on au vélo de faire des propositions sémantiques ? C’est pourtant l’ambition de l’Institut de Recherche et d’Innovation de favoriser la création en posant une heuristique de la recherche théorique pour la création artistique.

On comprend que par métaphore l’apport théorique puisse être comparé à la disponibilité d’une boîte vide1 qui appelle un contenu, inversant le rapport ordinaire où c’est une boîte que l’on cherche pour y loger quelque chose. Mais le système n’est pas à réserver aux mots et, si l’on déconstruit, ce sont les machines qui sont alors les boîtes vides à remplir, ce sont les possibilités techniques qui s’offrent ainsi à nous au-delà et en deçà de ce que nous espérions. Le caractère systématique ne s’arrête pas à l’art, il est aussi inhérent à la socialisation de l’être et le jeu des institutions force encore à trouver des modus vivendi et des révolutions auxquels on n’aurait jamais pensé ou décidé. Enfin, les décisions à prendre le sont pas seulement en fonction du seul projet entrepris mais du rapport à la norme qui assigne au vouloir un comportement à observer qui, double aspect de la liberté, nous donne des ailes ou inversement nous freine dans nos élans.

L’innovation gagnepagnienne a été entre autres de faire éclater l’anthropologie en anthropo-logiques au pluriel (comme le dit la revue) pour faire apparaître l’autonomie de l’art, de la société et du droit face aux prétentions du logos de tout régir. Bref une anthropotropie, une anthroponomie, une anthropodicée fournissent autant de boîtes qui culturellement aussi nous déterminent.

Reste à dialectiser ce rapport par la prise en compte de la chose à faire qui ne s’impose pas par la seule nécessité de l’outil mais par l’instinct2 qui finalise nos actions et nous asservit à leur moyen. De même les assujettissements naturels liés à la reproduction de l’espèce forment aussi l’avenir de l’être humain, ainsi que la valeur que spontanément nous attribuons aux choses pour les obtenir où les rejeter soutenant ainsi un acte dont le caractère normal n’est pas une motivation.

 

Document visuel / Baxter

 

Comment les boîtes produisent des histoires

 

Artificiellement, la boîte est une façon de faire exister un contenu à partir de rien puisqu'elle introduit par sa construction une différence et une corrélation entre un contenant et un contenu. Ainsi même lorsque l'emballage n'enveloppe rien, ce rien devient le vide de tout contenu. Cette gestion du vide est la spécificité de la technique qui ne requiert pas le rendement pour fonctionner. C'est plus généralement sur ce mode que l'on produit des classeurs, des casiers qui restent longtemps en attente d'un contenu d'autant plus que le classement qui les a initiés n'est pas un absolu.
La boîte fait donc le contenu. On pourra lire à ce propos la nouvelle de Haruki Murakami, un ovni a atterri à Kushiro3, in "Après le tremblement de terre", 10/18

Elle fait la surprise, la déconvenue, elle intrigue, elle entretient le mystère.
Elle participe de l'industrie de présentation: le présent au sens de cadeau dit bien cette réalité technique de présentification d'un don qui dépasse la chose indiciellement, plus spécifiquement, emblématiquement donnée. Le moyen de l'alliance se trouve ainsi investi du pouvoir magique de la faire alors qu'elle devrait seulement la fêter.

 

 

Conseils à Chloé : la technique est productive

 

Le point principal tient à la façon dont tu te situes par rapport aux contraintes techniques: envisage-les comme des promesses et tu t'engageras dans une perspective moins sèche face aux matériaux, engins, dispositifs et machines que la peinture met en action. Voici quelques exemples:
Si le matériau est un pouvoir faire, non une substance physique qui résiste à une volonté, alors tu es amenée à repérer un pouvoir de liquidité dans le corps et sa physiologie aussi bien que dans le rapport à la peinture liquide;
Si l'engin est un pouvoir faire d'un seul coup en une unité de moyen, alors le tour de main ne s'observe pas seulement dans le rapport aux postes de travail de l'artisan, il est partout: dans le rapport aux caresses des corps (puisque tu t'inscris dans une perspective érotique) comme dans la façon de tenir une feuille de papier, l'énergie comme la matière se débitent en unités de moyens;

Si le dispositif est un pour agir, la fin est déjà là et fait que le crayon véhicule du stockage qui dispense le peintre de recharger la pointe en colorant. Par conséquent, plus de peinture par touche, mais un continuum linéaire peut être proposé.

Si la machine est une manière d'impliquer dans le travail plusieurs dispositifs en même temps, alors l'enduit est en même temps un masque et permet de « jouer sur les deux tableaux ».

Bref, il faut parler de la technique pour faire valoir les conséquences quant au sens qu'elle peut ou non produire. C'est sur ce terrain là que tu seras attendue dans ton exposé. Il faut donc éviter les formulations neutres, qui n'apportent aucun sens, comme par exemple « utilisation de l'acrylique ». Il faut aller plus loin et énoncer ce que t'apporte le recours aux dispositifs qui utilisent l'acrylique.Des affichages

 

Des affichages

 

Villeglé m'a montré le désaffichage, une production de l'exploitant de l'affiche qui marginalement se fait constructeur par ce qui lui reste de moyens non établis: la griffe, l'affiche fraîchement collée ou la pluie. Il arrive parfois que le changement d'état se fasse tout seul, par le poids des affiches superposées, comme ici, un vêtement accroché au porte-manteaux du panneau d'affichage. Espace intérieur dans la rue rendu ainsi plus suggestif, le panneau brille comme cet espoir ici mis en scène de voir l'autre autrement et de s'altérer soi-même par ce fragment de quelqu'un qui appelle un autre espace pour le rejoindre.

 

photo GLG , déc.2006

27/12/2006

Dessin et crayon tenus en main contre la productivité du traçage

 

Il n’y a pas d’enfance de la technique, il n’y a qu’un apprentissage.

L’image graphique du nez est un exercice redoutable pour qui veut montrer qu’il sait dessiner : on repère immédiatement que cette vue de profil n’est là qu’en raison d’un nez qu’on ne sait pas dessiner de face. Lorsque le constructeur aborde de face le visage, il fait intervenir une lumière qui vient par la gauche ou par la droite et qui n’est pas en accord avec ce parti pris général de ne dessiner que ce qui est conçu.

Ce que le traçage propose, ce n’est pas exactement ce que l’action m’impose : j’entreprends de configurer un nez et voilà que mon trait se déporte du côté de la transcription des ombres et des lumières et cela, parce qu’il m’est inacceptable de cerner entièrement la zone qui doit porter l’apparence du nez. J’hésite continuellement entre montrer ce que je perçois et montrer ce que je conçois. Est-ce cela ? Pas exactement, : ce que je conçois – c’est l’objet, la représentation à produire médiatisée par le signe – est lié à l’action qui oriente instrumentalement ma conduite vers la chose à faire, à savoir l’image du nez. Pourtant, je peux me situer dans la même conduite si je restreins le traçage aux obligations du tracé perçu. Mais je dis alors tracé perçu : ce qui vaut aussi bien pour l’objet que je perçois à travers le traçage que pour le trait qui se fait objet lui-même.

Les ressources du graphisme tiennent à l’outil : le traçage m’apporte ses écarts que je ne peux qu’interpréter dans le courant du dessin en train de se faire : réussite ou raté, finalement ces qualificatifs manifestent l’exploitation que je fais d’un ratage systématique parce qu’il accorde trop de place à l’outil dans l’ouvrage. Tantôt le geste routinier, inattentif entre dans la représentation visée, mais j’y ai fait attention, après coup, tantôt c’est une attention qui cède à ce que je peux faire pour ne plus se concentrer sur ce qu’il y a à faire.

 

Formes amorphes pour une morphologie de l’activité outillée

Ou la productivité de la technique du dessin

La forme projetée du trajet outillé se définit par opposition avec la production d’objet représentatif ordinaire.
Dans la technique du dessin au trait, le fond n’est que le résultat d’une action de compréhension technique du trait dont la conséquence est la négligence de toute fonction représentative du blanc. Le blanc, bien que perceptible, bien que visible n’est pas intégré à ce dessin qui ne met en œuvre qu’une linéarisation – visualisation. Ce qui s’interprète comme fond est le vide structural d’une linéarisation sans chromatisation, autrement dit, l’indéfinissable d’une zone que la machine ne gère pas. La linéarisation ne traite pas les surfaces au sens ou elle ne les modifie pas, elle ne peut qu’orienter et fragmenter un trait. Une chromatisation, ou une linéarisation réinvestie dans un quadrillage de la surface (pour produire ce qu’on appelle les demi-teintes, soit une modulation de la clarté) change le trajet produit : il fait exister le blanc même si celui-ci n’acquiert pas toujours totalement une valeur représentative.

La linéarisation pratiquée dans les deux dessins ci-dessus rend possible plusieurs représentations, cette potentialité du dessin correspond aux sens produits qui ne sont pas réductibles aux sens visés. Ce que produit la linéarisation n’empêche pas une différence radicale entre le blanc du fond et celui circonscrit, l’un prenant le sens de vide opposé au plein de la forme ; elle ne contrarie pas non plus l’interprétation inverse où l’évidemment de la forme se confond avec celui de l’indice qui fait place au sens. Cette analyse s’en tient encore à la production d’objet.

La production de trajet est liée à l’action. Quelle différence apporte une analyse en termes de moyen et de fin définitoires de l’action ? Cette question peut être formulée autrement : en quoi la représentation des formes amorphes de référence de distingue-t-elle de leur manipulation ? Plus simplement d’abord : que veut dire manipuler cette forme?

GLG

 

Entre l'effet de modèle et de miroir, le paysage technicisé

 

Les araignées font des toiles, les pies bâtissent des nids avec des toits, etc: nous ne pouvons échapper à anthropocentrisme. Pourtant, voyant dans la nature notre technique, nous parvenons à y trouver le renouvellement de ce que nous avons acquis ; est-ce là un simple effet illusionniste par lequel s'interprète le réaménagement du rapport à la conjoncture industrielle? Plus généralement la technique fait voir les possibilités qu'elle offre et le génie génétique s'emploie maintenant à produire à grande échelle la même résistance que celle qu'on observe dans le rapport de l'araignée à son fil.

L'autre versant de notre tendance à conférer de l'humanité à l'animal, tient à notre capacité à refuser à l'homme lui-même son humanité: ne dit-on pas des enfants qu'ils sont braillards lorsque nous ne sommes pas disposés à entendre ce qu'ils disent parce qu'ils crient en même temps?

12-03-09

L’escargot sérigraphique

 

Comme l’encre , la chair de l’escargot se propulse hors de sa coquille et comme hors de l’écran.

L’image m’est suggérée par ce travail d’une étudiante à qui j’explique que la sérigraphie fait voir l’escargot autrement, même si le choix initial de l’escargot n’était pas inspiré par un rapport aux dispositifs de la sérigraphie.

 

La formation des pillow-lavas

 

La formation des pillow-lavas se fait par extrusion de lave liquide (1200°C) dans un milieu liquide avec phénomène de trempe superficielle qui forme une carapace isotherme vitreuse

http://images.google.fr/imgres?imgurl=http://www.volcanogeol.com/chenaillet/Pillow2.gif&imgrefurl=http://www.volcanogeol.com/chenaillet/xiii.htm&h=480&w=640&sz=25&hl=fr&start=11&tbnid=ahCSrqqwCBVZGM:&tbnh=103&tbnw=137&prev=/images%3Fq%3DL%2527extrusion%26gbv%3D2%26svnum%3D10%26hl%3Dfr%26sa%3DG

 

03/12/2020

Commentaire GLG :

Nous voyons la nature avec nos yeux de technicien : les dispositifs de notre activité outillée se projettent pour nous faire dire ce qui est déjà en forme technique ailleurs. Ainsi le regard est produit.

Corrélat : Anish Kapoor
 

Fétichisme

 

Face au plan peint qui épouse les proportions du corps humain, le miroir magique n’est pas la seule possibilité d’une présence. Pour entrer dans l’ouvrage par projection-identification, l’assimilation à un espace spéculaire n’est pas nécessaire, l’œil peut céder la place à la main et au corps tout entier.

Si avoir c’est être, toucher sans avoir c’est accaparer le bien de l’autre, vivre la vie de celui-ci par la possession de son bien.

La frontière entre soi et telle chose n’est pas physique, nous somatisons l’environnement, nous pouvons parfois nous en rendre compte. Sortant de chez le dentiste avec une nouvelle couronne métallique, le métal se ressent, nous avons en nous un corps étranger. Puis, le temps passe et la dent artificielle est oubliée. Sous la capacité d’oubli se cache cette incorporation des choses. La familiarisation, l’habitude le disent encore.

On arrache pas la pierre au monument, qu’à cela ne tienne, on se photographie devant : le document refait magiquement le monument. L’association des êtres à leur emblème est en cause : on se retrouve derrière telle banderole dans la manif, on fuit telle autre ; ce sont des insignes. Si par contre, j’avance mon logo pour montrer ce que je peux apporter comme service, je suis dans le rapport à l’enseigne, celle qui m’engage qui montre à tous la responsabilité dont j’ai la charge. Et plus j’élève le drapeau, plus j’y crois.

Le tableau peut être drapeau : ce que montre Jasper Johns . Mais que regarde alors le spectateur : ce qu’il doit voir ou de la peinture ?

 

Fonds d’écran et images produites

 

Chacune de ces images s’est imposée comme fond d’écran en raison du rapport à l’ordinateur qui sous la surface de l’écran fonctionne, qu’il s’agisse du métro rétro de Francfort sur le Main, du volcan d’Antananarive à Madagascar, du pont du Blosne sur la rocade de Rennes vers lequel courent des fils électriques ou du lac de Finlande avec ses nénuphars qui rappellent les icônes des fichiers, ce sont des lieux qui se multiplient à l’infini comme les sources d’information disponibles par le réseau de l’Internet.

22/11/2006

 

Dessin et sculpture

 

Gonzalez appuie son travail de sculpteur sur l’inefficacité constitutive du traçage sur plan à savoir que tout dessin est plan qu’il transcrive ou non du volume. Les impossibilités que rencontrerait un imagier réaliste loin de rebuter le sculpteur en recherche d’un modèle sont converties en propositions pour bâtir un nouvel espace qui intègre la vision en plan à la réalité du volume. Si l’on se base sur cette forme noire qui vaut pour l’une des faces du nez rejoignant l’orbite de l’œil, on remarque ,en effet qu’elle peut triplement s’interpréter comme trou, comme facette d’un volume plein et comme zone plane, au même plan que le rouge et le jaune qui l’entourent quasiment. Ces trois interprétations sont toutes aussi construites les unes que les autres, la dernière étant une solution en quelque sorte apportée aux deux visions réalistes précédentes : réalisme qui a trait au moyen , par ce trou dans l’assemblage de tôle, entre deux parties volumétriques, réalisme de la fin lorsque la partie ombrée de ce visage de femme est visée.

06/01/2005

Commentaire d’un article de Philippe Dagen , Le Monde, 06-01-05

 

Homo faber refait

 

Si l'art affecte, s'il agit sur l'émotion, il peut remettre en mouvement. Mais entendons-nous, l'art c'est aussi bien les Beaux Arts qui invitent à la contemplation que les arts et métiers qui travaillent pour nous trivialement.

La condition sensible du travail de connaissance gît dans une chambre chaude, le transcendental rougit dans le poêle, je l'appris de mes os humiliés.

Michel Serres, Les cinq sens, Grasset, 1985, p.347

 

La sensation artistique

Les cinq sens, que c'est peu, que c'est peu pour qui la vie émotive est la vraie vie qui fait vivre!

Emile Verhaeren, Sensations, éd. Crès et Cie, 1928, p. XI (Art Moderne, 1890)

 

Le cogito cartésien revisité par le poêle: Je me chauffe, donc je suis .

« Je demeurais tout le jour enfermé dans un poêle, où j'avais tout loisir de m'entretenir de mes pensées ». Descartes

Par rapport au SDF, le fait de disposer constamment de tout l'équipement pour vivre, se loger et se nourrir montre à l'évidence que l'art fait être ou ne pas être, avant de se poser éventuellement la question d'Hamelet.

L'ortie fouette le sang (journée Ortie , Sur le plongeoir) elle contient de l'acide formique. Pratiques de mortification du côté des névroses et addictions à l'inverse, vers la psychopathie, dépendance envers la drogue, le jeu, le sexe, etc. Y a-t-il un seul projet qui ne soit pas artificiel, c'est-à-dire aidé sinon impulsé ou freiné (Cybernétique: orectique et phyllactique de Philippe Bruneau et Pierre-Yves Balut: Art et archéologie) par le faire?

 

Comment l’image se produit

 

...indépendamment du fait qu’elle se pense ? (ou qu’elle se constitue symboliquement). On pourrait encore décliner les rapports à l’image comme autant de modes d’existence en montrant sa reconnaissance cognitive et son établissement historique, sa valeur et son acceptation normative.

Je dis que pour descendre, je prends l’ascenseur…Lorsque le nom de l’équipement désigne ce qu’il fait, ce qui est rare, tout de suite, je mesure qu’il en fait bien plus. Une tapette à rat confrontée à la chose qu’elle désigne et celle-ci montre immédiatement qu’on y prend autre chose que des rats.

 

Les images en volume et la productivité de la technique

 

 

La transformation qu'impose la transcription d'une réalité en volume sur un plan ne s'impose pas ici où nous avons affaire à un volume. La tentation est grande de l'imitation en forme de réplique qui donne une vue semblable au modèle de référence sur toutes les faces et à partir de tous les points de vue.

La pièce offerte aux promeneurs sur la pelouse du musée d'art contemporain de Dublinmontre un cas exceptionnel de volume représentatif d'un seul point de vue produit en volume. L'artificialité de ce fait nous saute aux yeux tandis que nous tentojns de contourner le bronze pour en voir plus: la réalité volumique satisfait à la visée de transcription d'un point de vue, le rapport au bonhomme de neige vu de dos. L'identification habituelle de la sculpture conformiste saisonnière est quelque peu mise en crise: pas de charbon noir, pas de carotte, pas de bouton qui puisse nous situer dans le rapport au connu. Pourtant la simplicité des deux volumes superposés est là ; toute en rondeur par redondance d'échelle et sans autre particularité.

Gary Hume s'intéresse à la face du bonhomme qui n'intéresse personne, celle qui est disponible dans la sculpture mais que le public néglige parce que tout le monde néglige cette vue là.

Cet aspect là, qui dénonce notre vision antéfixe, limitée à la partie avant de notre corps physique qui porte la reconnaissance de l'identité, offre la partie considérée comme interchangeable du spécimen humain.

A la différence du rapport au plan représentatif qui n'autorise techniquement qu'un seul point de vue et induit donc une position fixe du regardant, ce volume propose un mode d'emploi non perturbé par le contournement de la pièce à l'horizontal. Car un déplacement de l'oeil vers le haut, en vision aérienne serait en conflit avec la vue de dos de référence, un avant apparaîtrait comme le déni de la vision de dos unique.

Le réménagement de l'oeuvre par les bons soins du musée qui l'accueille est un point qui en apporte encore à l'intérêt de la sculpture: l'installation de la pièce dans ce recoin du jardin impose une vision prioritaire à partir de l'allée. Il faut vouloir se faufiler par derrière pour vérifier que le dos de la sculpture n'offre pas d'autre aspect. Ainsi la disposition de l'oeuvre organise un retour vers une appréhension conventionnelle du bonhomme de neige. Il en eût été autrement si le volume avait été mis sur un rond point. Mais la critique n'est pas entièrement négative: puisqu'il est démontré qu'ainsi placée, la tendance à reconventionnaliser le travail de l'artiste est toujours là. Autrement dit, l'option en appelle à la vigilance du regardant.

D'autres images en volume peuvent ainsi être convoquées: celle de Robin Gerhard, image en bois charpenté placée sur une plage de l'île d'Amrun en Mer du Nord. L'image en question d'une amphore agrandie dérive vite vers une architecture de cabane d'autant que les enfants ne s'y sont pas trompés en creusant dans le sable un tunnel d'accès à l'espace intérieur.

Ajoutons, après la technique du bas relief, déjà là à travers l'art égyptien, parmi les nombreuses productions cubistes et futuristes, les propositions de Picasso qui procède à partir de plans pliés. La production de Zadkine, si particulière par ses dessins en bas relief sur des reliefs.

Pour ma part, rejoignant en cela les objets usuels recouverts de sparadra d'Erik Dietman, je propose Le tiroir à l'arc en ciel ; masqué par du ruban adhésif double face dans une technique particulière de report de peinture à sec, le tiroir se montre alors dans un fonctionnement impossible: fragment de tiroir, il indique celui-ci sans qu'on puisse tirer sur quoique ce soit, ce que montre l'encollage qui dédifférencie les pièces de la partie avant du tiroir: poignées et clé recouverts comme la pièce de bois. De l'arc aux flêches, j'ajoute encore ces flêches en pâte à modeler que Christian Boltanski renferme dans une valise comme un souvenir d'enfance: ici, le matériau mou se montre et oppose sa présence à la pointe dangereuse imaginaire.

Toutes ces images en volume tendent à affirmer que l'image n'est pas confinée aux rapports à des produits séparés du réel ; la réalité ne peut être dissociée de l'industrie déictique, elle est produite par celle-ci. Et les volumes du réel se confondent avec ceux que l'art imagine, en pleine relativité.

22-11-09

L’image produite

 

Images livresques

Les images en livre doivent à la reliure au moins lorsqu’elles se succèdent d’une page à l’autre sinon une sérialité du moins l’interrogation du lecteur quant à leur relation de série, notamment lorsqu’elles s’opposent. Elles ne sont plus, par le fait de la reliure, indifférentes l’une à l’autre. Et au plus fort de la productivité du livre, ce sont des suites narratives qui en résultent car d’une page à l’autre deux objets se font face, s’interrogent, s’interpénètrent. On sait que le texte en livre produit des culs de lampes contraignant à l’invention. Il suffit toutefois de regarder les faits pour qu’adviennent ces troisièmes images qui firent le bonheur des surréalistes.

Autres exemples:

  • Images planes et en relief
  • La photographie en noir et blanc et en couleur
  • La sérigraphie : l’obturation
  • La gravure : le burin, la pointe sèche, l’aquatinte
  • La peinture
  • L’image en mouvement

 

Productivité de la technique par inversion

 

Voici deux exemples de productivité de la technique par inversion de l'orientation du plan-support, deux exemples parmi de nombreux autres, depuis l'art des devinettes jusqu'aux doubles images en passant par les inversions recto-verso et les images doubles optiques, qui montrent la part de la manipulation dans l'image, son exploitation déictique. On peut encore y joindre les productions de l'art abstrait comme la colonne sans fin de Brancusi qui table sur l'inversion systématique du socle sur le socle...en somme, ce dossier tend à tirer l'image du côté du produit plutôt que du concept, pour reprendre la présentation de Pierre-Yves Balut.

 

Une bande dessinée, "oulipienne" avant l'heure: elle se lit doublement, en retournant la page

Signé Cécile et Bastien, image publiée dans le journal Le Monde: les poupées russes inversées deviennent "têtes de morts"

14/09/04

Intelligence artificielle

 

Relevé sur http://www.transactiv-exe.org/archiveforum.php3?id_forum=964

« hypomnemata >Hypomnemata est un très ancien mot grec, commenté par Michel Foucault dans le texte "L’écriture de soi", qui désigne les supports de mémoire artificielle. Ils sont, en quelque sorte, remis au goût du jour, avec l’énorme développement des moyens multimédia et Web de stockage, manipulation et publication d’information. »

http://www.christian-faure.net/index.php?tag=hypomnemata

Les hypomnemata

May 28th, 2005

Le terme grec d’hypomnemata peut se traduire tout simplement par supports de mémoire. Michel Foucault, dans un article de 1983 intitulé L’écriture de soi, écrit : “Les hypomnemata, au sens technique, pouvait être des livres de compte, des registres publics, des carnets individuels servant d’aire-mémoire” (Foucault, Dits et écrits, t2, p. 1237).

Ce texte de Foucault a été remis au goût du jour par Bernard Stiegler.

 

Rangeons dans l’intelligence artificielle le pense bête, le plan de travail, la carte géographique, le ticket et sera reconnu la part quotidienne de la technique dans nos pensées, notre art, notre société et notre droit.

Voyons toutes les industries dont nous disposons : déictique, dynamique, schématique et cybernétique et nous aurons une vision plus élargie du processus en cause de technicisation des réalités.

 

L’invention par collaboration

 

Tandis que les historiens de l’art ont en charge de préserver ce qui paraît majeur relativement au sens de l’œuvre, les modalités conjoncturelles de sa diffusion tendent à le déstabiliser, par inévitable nécessité. Le terme de traduction, ordinairement réservé pour désigner les échanges linguistiques, pourrait bien servir à appréhender le processus en cause eu égard à ce qui s’analyse spécifiquement comme de la conduite, le ductus, réinterprétée.

L’occasion d’y revenir nous est donnée par la présentation conjointe des œuvres de Mona Hatoum et de Christelle Familiari dans le cadre de l’exposition Rouge baiser qui a lieu à Nantes cet été 2007 4. En parcourant l’espace de l’ancienne mûrisserie, le constat d’un réaménagement s’impose : le tapis de Christelle Familiari sur lequel, précise la consigne au sol, il ne faut pas marcher, protège les deux balançoires fragiles de Mona Hatoum. Le fonds régional d’art contemporain est voué institutionnellement à la conservation des œuvres en même temps qu’à leur diffusion. On ne peut donc légitimement s’en prendre à cette mise en échange forcée de deux travaux indépendants. On doit toutefois peser la portée de ce réaménagement quant au sens ainsi proposé. Une fragilité moins évidente des balançoires en découle tandis que le tapis métallique en ressort instrumentalisé par sa fonction de protection.

La mention interdisant la marche sur le tapis est un rajout qui obéit à cette mise en relation des deux pièces même si elle se comprend par la présence de reliefs, qu’il faut préserver, dans le tricot du tapis.

 

Mona Hatoum - A couple of swings

Christelle Falmiliari – Etendue

 

Bref nous avons affaire à deux constructeurs qui n’ont pas la même activité : l’un fait , l’autre montre ce qui est fait. Chacun a donc à gérer des nécessités différentes qui sont parfois, sinon contradictoires, du moins mutuellement gênantes.

 

Mona Hatoum
Entrails Carpet, 1995

 

Du coup on revient sur le travail de Mona Hatoum pour en extraire, comme par mimétisme, …un tapis

 

La construction du temps

 

Nous habitons plusieurs époques parce que nous vivons dans des architectures qui n’ont pas été bâties en un jour. Mais l’hétérogénéité du lieu ainsi produite n’entraîne pas une traversée du temps : nous intégrons ces différents aspects de l’espace dans le cadre d’un seul espace. C’est pourquoi il est abusif de dire que nous vivons partiellement au 17ème siècle parce que simplement nous sommes entrés dans un hôtel particulier qui date de ce siècle5.

Le temps est le nombre du changement, disait Aristote. Si ma façon d’être d’un espace à l’autre s’en trouve changée, alors j’aurai une expérience du temps et seulement à cette condition. Mais alors je ne pourrai que rejoindre de mes fesses le fauteuil de Sarah Bernard, adopter ou singer sa posture.

Le temps c’est la disparition d’un être cher, le cataclysme qu’elle introduit dans un environnement où il était un repère, et j’y étais l’heureux enfant. L’absence invite à prendre des responsabilités en déshérence, elle confirme de la personne, fait exister un réseau de relations, bref elle nous remet en mouvement dans une autre perspective. Qu’Aristote soit encore cité par son hétairie6 pour asseoir une divergence qui fonde voilà qui n’est pas banal : La quête d’Einstein au prix d’une peine infinie de Jean-Marie Vigoureux et Raison de plus ou raison de moins, propos de médecine et de théologie de Jean Gagnepain, Je dors mais mon cœur veille, la nuit surveillée, ces deux livres sont là et divergent, l’un relance les questions de l’autre, déjà divergent. Physique d’un côté et ergologie incluse dans une anthropologie de l’autre.

05/01/2006

GLG

 

La fonction anticipatrice du programme7

 

Le programme dans son principe détient beaucoup plus de possibilités que le constructeur n’a explorées. D’autres constructeurs viendront par la suite compléter l’éventaire des possibilités. Maintenant considérons un ouvrage destiné au faire, un équipement. Il peut être comparé à un programme incorporé puisqu’il a été élaboré pour faire ceci et cela , ceci ou cela . Lorsque l’on a inventé le téléphone, on ne savait pas qu’on avait là un des moyens de l’Internet. Les dispositifs sont ainsi les fenêtres aveugles donnant sur un futur dont ils se moquent. Que l’art fasse voir ce que le constructeur lui-même n’était pas censé proposer, ce fait de ré-interprétation n’est sans doute pas toujours imputable au roman anticipateur de l’art comme ce tableau renversé légendaire de Kandinsky le fût pour l’art abstrait. L’avant-coureur de la modernité est pourtant dans son principe déjà là dans des possibilités non-reconnues qui adviennent dans la surprise.

Un des ingrédients de la surprise est cette interaction qui met en rapport des dispositifs de façon incongrue de telle sorte que la technique fonctionne sans que l’opération attendue se fasse, mais un autre résultat se produit. Ainsi, par bonheur ou malheur, l’interaction s’oppose à l’échange.

 

La girouette et les vents verticaux

 

La technique va de pair avec une capacité de négligence des actions naturelles faites de moyens et de fins. Ainsi l’énergie du vent s’analyse discrètement par opposition des flux techniquement utiles à ceux qui lui sont indifférents. Dans la gestion des courants d’air sont identifiés les vents horizontaux : la girouette n’a que faire des vents verticaux. Elle est mise en fonctionnement par rotation dans un plan horizontal et, sélectionnant la fin pour laquelle elle est élaborée, ne peut montrer de ce fait un vent tourbillonnant que par un « affolement »de ses mouvements, passant rapidement d’une direction à une autre. Elle est mue par la partie des flux parallèle au plan du pivot. En somme, en même temps qu’elle indique la direction d’un vent dominant elle pointe vers sa sensibilité réduite par son mécanisme qui quantitativement fait des tours. La forme du renseignement qu’elle délivre doit autant à celle de l’équipement qui la constitue qu’à celle des flux qu’elle est censée montrer.

On peut multiplier les exemples d’ustensiles, on ne trouvera pas un seul qui s’efface entièrement derrière le service qu’il produit. Qu’est-ce alors que produire un service, qu’il s’agisse d’une représentation à imposer comme par l’image, d’une activité à dynamiser comme par un levier, d’une condition de vie à réaménager comme par un logis, d’un comportement à régler comme par une barrière ? Le présupposé structuraliste tend à relativiser ce qui se produit puisqu’il est alors autant une nécessité artificielle, imposée par la technique qu’un réel à gérer. Saussure invoquait un contenu de sens toujours formé par le signe ; Jean Gagnepain y ajoute, par dissociation fondée cliniquement à partir des pathologies, trois autres formes par lesquels il intègre l’apport de Marx et sa dialectique, celui de Freud et son inconscient. Au bout du compte n’existent que des rapports au réel diversement et distinctement formés. Reste à revenir sur la notion de « contrainte formelle » : ce qui se produit est autant une promesse qu’une contrainte, autant une possibilité que le constructeur n’avait pas entrevue initialement qu’une réduction de ce qu’il envisageait de faire.

Les développements des services productibles ne saurait excéder les possibilité techniques disponibles : ceci semble une Lapalissade et c’est ce qu’on pose ordinairement dans le rapport à ce qu’il est possible de faire. Cette évidence est mise en échec par la relativité même de la culture qui comporte des analyses contradictoires désignées par le concept de dialectique. Nos options de conduite sont diverses et les trois moments de la dialectique dictent trois types de conduite : l’empire ou conduite pratique lorsque la chose à faire prime sur l’équipement au point d’imposer un réaménagement de celui-ci pour plus d’efficacité (le titre complète le sens de l’image insuffisamment explicite), la magie lorsque la chose à faire se déduit du fonctionnement du matériel (telle l’urbanisation fonction des rails des grues de chantier de construction en bâtiment), la plastique enfin où l’ouvrage se fait de lui-même, le résultat de l’action précédente imposant l’action à suivre qui anticipera elle-même sur la suivante jusqu’à rendre interdépendants la totalité des rapports internes à l’ouvrage (c’est la modalité esthétique de production qui pour ne rien mettre en avant d’elle-même devrait être qualifiée d’ »induction »). Ainsi la magie décuple les possibilités, tandis que la pratique les resserre et l’esthétique plastique joue, dans le cadre de l’ouvrage, avec la dépendance qu’elle crée entre les choses à faire et la technique qui les gère.

"ça roule" (image)

04/02/2007

La productivité de l’écrit

 

A supposer qu’on écrive une histoire qui met en scène un personnage dont on ne livre que le nom cette indétermination permettra de lever un voile à la fin du récit en présentant par exemple , à la place d’un homme que l’on a laissé le lecteur s’imaginer, par exemple , un moustique.

Toujours dans le rapport à cette fonction imaginante de l’écriture, mais inversement, les mots lus peuvent, par la précision d’un son fidèlement restitué, produire plus que des objets, ils peuvent invoquer des sujets, tels ces bretons disparus du vannetais dont le parler se trouve ainsi ressuscité : c’est alors leur époque, leur lieu, leurs faits et gestes qui se retrouvent ; leur voix s’emprunte comme par le vêtement on enfile une identité.

 

Dji fonda rah’n treù. Gast en ened ! Ouian ket péré pousin int : me fiz bihan ‘ma oeit aben gete. Ur kegin, marse ?

 

 

La production du temps dans l’œuvre de Stéphane-Louis MARIE8

 

En plaçant le jouet sur le pont, en le confiant aux enfants, deux actions sont en cause dont la magie s’oppose à la pratique d’une autre activité, celle antérieure du dessin.

« Le tissage du temps » qui nomme, selon Stéphane Marie, la copie d’une ligne d’hexagones millimétriques produit l’apparence d’une bande de quarante mètres sur 42 cm de large qui doit principalement à la variabilité d’une attention mise en rapport avec les mêmes dispositifs de façon répétée, à raison de sept lignes par jour. L’effet prédominant consiste en contractions et dilatation de la résille, ondulations qui s’interprètent spontanément comme un voile de rideau ou un flux hydrique. Ainsi l’étonnement provient de cet objet obtenu qui n’était pas initialement invité à paraître et qui trouve sa source dans l’inefficacité même du dispositif scriptural : l’impossibilité de tracer à l’identique un objet graphique modèle.

Si l’imputation peut paraître magique, c’est que la mystification du temps s’en mêle et notamment, au premier degré, celle qui le personnifie. Car dans le rapport spécifique à l’activité, c’est la durée de la répétition qui met à l’épreuve une attention, et non le temps historique qui est en cause. A distance de la magie, on peut interpréter le travail de Stéphane Marie comme une production analytique expérimentant l’action outillée toujours un tant soit peu inefficace. Bref, ce qui nous est offert tient principalement à l’hypothèse du fondement anthropologique de la technique, à savoir, l’inefficacité de l’outil, tel que le pose Jean Gagnepain.

Quant aux jouets proposés aux enfants sur un pont, ils portent la même résille. Et la magie procède alors de l’activation apportée par le rapport au pont sur la rivière et de l’enfant. Le mythe est au centre de la définition du pont qui sert à passer de l’autre côté et en même temps à contempler le flux vital de l’eau. L’enfant est un autre passeur, pour l’avenir, qui assigne au jouet « résillé » une fonction d’entéléchie. Le rapport au temps, au final et pour le spectateur, s’en trouve réactivé.

17/07/2008
GLG

La productivité de la machine

 

Si l’on veut faire valoir notre capacité à intégrer de la diversité dans le cadre d’une unité de fonctionnement minimal, il faut entendre par machine un processus abstrait par lequel une complexité de fins élaborées se résout de façon unitaire et routinière.
La productivité fondamentale de la machine réside dans la rencontre des dispositifs ainsi effectifs, faisables. Tels ici, dans la pièce d’Anish Kapoor, Melancholia, la tension et l’accrochage ou dans ce support de vase crétois en terre cuite (1100-1000 av. J.C.) le modelage et le chauffage. Voici deux exemples qui organisent différemment l’insertion du cercle dans le rectangle et en même temps le passage d’un moment à un autre par une modification. Alors que la chauffe assure le durcissement de la terre et sa résistance autrement dit sa pétrification définitive et une forme fixe, la tension produit une forme variable fonction de l’éloignement des pièces liées. Plus particulièrement, c’est la rencontre du cercle et du carré qui se trouve soumise à deux machines différentes.

vase crétois en terre cuite, Musée d’Héracleion

 

L’inscription du cercle dans le rectangle est le point commun de ces deux pièces. Tandis qu’on stabilise le vase (comme la cuisson fixe la terre) par ce support en faisant appel à une force extérieure, la pesanteur, à travers la tension mise en place par Kapoor, c’est l’entre deux qui prend forme et une forme qui n’est là qu’autant que dure la relation, soit deux forces réciproques. L’ensemble qui suggère autant l’attraction que l’éloignement paraît symboliquement autonome.
 

Musée d’Art Contemporain du Grand-Hornu (Belgique)

 

L’unité plastique est ici à l’œuvre au sens où l’ouvrage tente de concilier l’antagonisme des deux figures géométriques, d’en faire une nouvelle unité par cet espace volumétrique. Se manifeste ainsi, dans son extrémisme (puisque Melancholia désigne un espace-temps9), l’esprit de synthèse qui caractérise la plastique.

 

La productivité de la machine (suite)

 

On appareille au sens où on adapte la machine à la chose à faire en réaménageant l’unité en cause, par intégration ou suppression d’une tâche.

L’appareillage désigne la mise en voiles ou la mise en route du moteur et la levée des amarres. En somme, le départ tient à deux opérations qui ont lieu simultanément ou successivement, le détachement du bout et l’avancée du bateau ; ces deux opérations supposent le contrôle du fonctionnement de deux machines au moins : le tirage-dénouage de l’amarre et la rotation-propulsion de l’hélice ou le gonflage-propulsion de la voile. La machine n’est présente dans la production qu’en cas de performance nulle ou nettement amoindrie qui n’échappe pas à l’attention du pilote. Il se peut alors que tout fonctionne comme il faut, mais de travers : dans l’exemple une avarie de gouvernail n’empêche pas le bateau d’avancer. Le dysfonctionnement des machines n’est pas l’inefficacité. Reste alors cette autre probabilité : que l’inefficacité soit imputable au conducteur.
La machine n’est productive que parce qu’elle libère l’attention de celui-ci lui permettant de se concentrer sur la barre pour garder le cap en évitant les obstacles (bouées récifs et autres navires). Cette légèreté gagnée s’apparente au loisir puisque ainsi, la voile n’occupe pas l’esprit du constructeur ; pour lui, elle est comme mise en disponibilité. Il faut toutefois garder un œil sur le fonctionnement, autrement dit, le contrôle du produit complète la manœuvre. A cette condition, la routine accroît la puissance du navigateur. Ce bénéfice correspond à une visée pratique de la production.

Magiquement, la levée des voiles, comme l’indique l’expression courante « mettre les voiles », correspond à une libération des attaches contractuelles du marin à la terre-société, sa présence peut se trouver ainsi plus ou moins gérée, jusqu’à la disparition, par cette navigation. La navigation produit mentalement et socialement une façon d’être et de ne pas être… Plastiquement, la machine est modèle d’unité, de synthèse10, elle induit une composition jusqu’à l’involution où se nie la fragmentation par mise en rapport de toutes les parties et leur intégration en un tout unique et harmonieux. Le vent n’est plus une force extérieure qui actionne isolément le gonflage des voiles, il est une force qui orchestre les conduites sur l’esquif, il agite la voile et tout l’équipage s’agite en une chorégraphie implicite.

 

La productivité de la technique se comprend de trois façons

 

 

 

La productivité de la technique se comprend déictiquement, plastiquement et magiquement.

Déictiquement, la reliure par spirale propose des trous qui se traduisent en cercles : ce sont autant de métaphores du sujet en société, s’insérant dans des cercles de qualité ou non. La spirale est un projet d’intégration par le fait qu’elle visite et associe en son institution chacun des sujets. Le caractère routinier et protocolaire de cette intégration s’affiche dans la spirale par l’alignement des trous (il faut s’aligner sur l’établissement pour y être intégrer). Le formatage des trous est aussi une condition d’intégration : gros trous et petits trous s’exposent à une exclusion. Dès lors que les trous s’alignent et se formatent identiquement, ils sont reconnus par la spirale et dotés du même coup de papiers, les feuilles que relie la spirale : ils ne sont plus sans papier.

Magiquement, on pourrait croire qu’il suffit d’avoir un dossier, tel qu’un rapport, pour que soit du même coup traité tous les problèmes. Les gouvernements parlent souvent des rapports.

Plastiquement, les répétitions se nécessitent : alignements des trous et des caractères de police, petit et grand format.

 

La spirale propose sa voyance la métaphore de la spirale sert bien souvent en pédagogie, lorsqu’il s ‘agit de présenter le développement d’une pensée qui revient sur elle-même, on dit : une démarche en spirale.

03/12/2020

 

La productivité narrative de l'image

 

La productivité narrative de l'image c'est une façon d'amplifier , de déveloper l'image au-delà de l'histoire visée.

 

 

La productivité par l’engin

 

La division du travail par ses composants mécanologiques détermine une production spécifique où la répétition permet d'accroître sans difficulté le rendement. On sait quels abus de l'organisation scientifique du travail initiée par Charles Taylor ont fournit le terreau du film de Chaplin, "Les temps modernes", mais la dégaine elle-même du personnage doit beaucoup au rapport à la canne dont il use en une cadence qui règle ses pas. Plus généralement, qu'il s'agisse de la danse ou d'une production qui ne porte pas sur le schéma corporel comme la peinture ou l'informatique, l'activité procède d'une répétition basée sur la mise en action du même moyen. Pointillisme ou pas, la touche et l'absence de touche rejoignent les pixels de l'écran et derrière, le zéro et le un des impulsions électromagnétiques. Sur le canevas de cette possibilité assurée de refaire, un rythme se dessine en variations et scansions qui ne sont pas loin de l'écriture métrique du poème. La façon dont l'unité se répète matériellement et sémantiquement sur la surface picturale détermine des accidents visuels, des ponctuations, des nœuds qui captent l'intérêt du regardeur. Lorsque l'activité est faite d'un ordonnancement d'unités distinctes et différentes, le rapport plastique à l'engin tend à l'augmentation des contrastes. Dans la peinture de Francis Bacon, à l'endroit des catastrophes tempérées (Logique de la sensation, G. Deleuze) qui perturbent la tranquillité du spectacle, on pourra constater que les faits distincts de coups de chiffon et de brosse, de touche piquée sont nettement contrastés. La conduite référée plastiquement au principe de l'engin accentue la conscience des frontières.

L'entonnoir comme la plan, la roue, la corde, la barre sont partout et leur récurrence est voilée par la diversité cloisonnante sociologique des métiers. Le nombre de moyens n'est pas si grand que les conditions de l'être ; il est en tout cas structurellement limité comme le sont les phonèmes des tableaux phonologiques du langage.

03/12/2020

 

La productivité par l’engin (suite)

 

Dans le rapport au dessin, on n’insistera jamais assez sur la part déterminante du ductus, ce coup de crayon initial souvent déterminant pour l’ensemble de l’ouvrage. On a pu parler à cet égard de « trajet sans projet », ce qui est littéralement impossible mais rejoint néanmoins une réalité nécessaire, voire motivante : se mettre en main, se dérouiller, trouver le geste. Toutes ces formules disent l’importance de ce qui se fait au minimum, sans finalité particulière, par un rapport mécanique à la production où le constructeur escompte un pouvoir sur-déterminant du moyen. Lorsque Henri Laurens ou Oscar Niemeyer parcours une surface en un traçage en continu qui ne se sépare pas du plan avant la fin du tracé, c’est le plan qui est alors déterminant. C’est le plan qui rend possible le croisement réellement impossible de deux lignes, c’est le plan qui produit ces objets matérialisés par leur seul contour et dont le blanc n’a la valeur ni d’un vide ni d’une zone éclairée. Dans le dessin, la productivité apparaît fondamentalement comme un rapport à la négligence du blanc produit par le trait : c’est avec lui que le constructeur, pratique ou plastique voire magique, compose lorsqu’il désigne pratiquement autant qu’il dessine, donne vie magiquement à sa ligne, la traite en arabesque ou y fait entrer la résonance plastique avec le blanc.

15/05/2008

 

La productivité technique du matériau

 

Rappelons la surdité culturelle et glossologique qui fait qu’on entend le même son du langage en présence de sons physiquement différents, ce qui paraît évident lorsque nous sommes enrhumés, avec un accent du nord ou du midi. Le « r » roulé des bretons vannetais n’a aucune pertinence. A l’inverse, nous sommes capables de discerner dans le fatras des bruits d’un autobus non seulement les sons qui portent du message mais ceux du langage. La technique suppose dans le rapport au réel la même capacité de négligence et de sélectivité qui se traduit par une voyance et un aveuglement.

Ainsi une diversité d’apparence se trouve niée, ramenée à de l’identique, l’identité du matériau : le constructeur que nous sommes tous un tant soit peu repère spontanément un pouvoir de transparence au travers de la glace, du sucre, du plexiglas, etc., comme dans le rapport au verre. Ce fait fournit le principe d’une créativité pratique comme le trucage au cinéma qui conduit au remplacement des vitres de verre par du sucre dont la dureté est moindre, donc moins dangereux en cas de scène d’actions violentes. Cette transparence nourrit aussi un imaginaire par rapprochement de conjonctures éloignées : le verre n’étant pas loin mécanologiquement de la glace, celle-ci augmente par métaphore mécanologique la froideur de celle-là. Une impression de froideur hante magiquement ces matières qui offrent ce même matériau. Et plastiquement, dans un registre de transparences, se joue un concert de qualités matérielles intensifiant une rencontre de choses transparentes à des degrés divers. Les dessins sur calque et sur verre de Bernard Moninot rejoignent les serres qu’il met en scène.

La transparence possède deux statuts : en tant qu’objet, elle est indice d’une sensation visuelle ; en tant que trajet, elle est moyen d’une monstration. Bien que la plastique décline les réalisations de la transparence, par une récurrence qui nous les rend sensibles, les dites « qualités sensibles » 11sont l’exploitation d’une réalité outillée qui se moque de la sensibilité perceptuelle. La manipulation n’est pas une affaire de capacité tactile et le geste du drapier qui tâte le tissu, tout comme celui de l’artisan producteur de papier soucieux de l’épair, obéit à la recherche d’une qualité utile, non d’une sensation. L’épaisseur utile est alors en action. Les approximations apparentes dont se contente le technicien sont la manifestation de cette capacité d’analyse par identification de réalités diverses. Que la vitre soit poussiéreuse ou non, peu importe, le technicien sait qu’il dispose par elle d’un pouvoir de transparence.

03/12/2020

 

Le matériau non chosifié, rapport qualitatif au moyen se manifeste par la prise. Le matériau est fondamentalement une proposition d’action : il induit une façon de prendre les choses fonction du pouvoir qu’on y repère. L’abstraction constitutive des matériaux , qui rejoint les « immatériaux » de Jean-François Lyotard, est telle qu’une seule et même chose s’analyse en une diversité de matériaux . Cette polyergie va de pair avec une polyhylie par laquelle un même matériau se réalise à travers des matières ou des énergies physiquement diverses. La productivité de la physique découvrant toujours de nouveaux corps à adjoindre au tableau de Mendeléiev ou des propriétés nouvelles de la matière ou de l’énergie n’est pas un fait séparé de cette mécanologie. La physique est en réalité une technique dont la relativité est constatable par les évolutions des équipements mobilisés. Monsieur tout le monde ne dispose pas d’un accélérateur de particules, et bien que la représentation scientifique des phénomènes, suffise à les intégrer dans notre paysage technique mental, ne nous confère aucun pouvoir supplémentaire : nous ne pratiquons pas tous la même technique comme nous ne parlons pas tous la même langue. Il reste que ces techniques dites « hight tech » ou technique de pointe ne sont pas sans fournir les visées magiques de nos expériences « low tech ». A ce titre seulement elles parviennent à prendre part à nos activités. Mais elles ne sont pas non plus sans retombées dynamiques chez les constructeurs qui y découvrent de nouvelles possibilités d’aménagement de leur propre marchandise. Nul besoin d’insister sur cet aspect de la dynamique largement diffusé comme un nouveau crédo de l’économie d’entreprises. On retiendra seulement que ce sont les méprises de l’exploitant qui font aussi les nouveaux modes d’emploi (cf. la sérendipité). De nouveaux tableaux mécanologiques se forment ainsi, par annexion de la technique de l’autre.

03/12/2020

 

La productivité téléologique du dispositif

 

Rappelons le paradoxe soulevé encore récemment par le groupe du Laocoon servi en exemple d’une spécificité des arts12. Si la sculpture ne peut offrir des cris pourquoi le sculpteur ne renonce pas à faire entendre ? Cette ténacité manifeste le fait que chaque dispositif propose un certain nombre d’actions pour lesquelles il est particulièrement adapté. Cette prédisposition a pu fonder des thèmes en telle collusion avec la façon de faire qu’on peut parler de production magique. Ainsi, la diffusion de la couleur prédéterminerait une propension pour les paysages d’eau, de brume et d’incertitude comme ceux de Turner, tandis que, dans une peinture plutôt expressionniste, le grattage susciterait des griffes, l’enduit la monstration de difficultés à se dépatouiller, etc. Relativement à ce regard porté par le dispositif sur la chose à faire, les théoriciens de l’art ont souvent impliqué la plastique plutôt que le magique, en affirmant notamment la part de la plastique dans la thématique. Pour dire ce qui ressortit spécifiquement à la plastique, il faut d’introduire le concept de registre formel, ce qui réaménage, relativement à la dialectique de l’art, les avancées de Konrad Fiedler, Heinrich Wölfflin, Wilhelm Worringer et Henri Focillon13. En dépit de l’irréductible singularité de l’oeuvre14, des familles de formes sont produites qui doivent leur apparentements aux dispositifs de fabrication dont elles résultent.

 

La sérigraphie fait voir

 

La sérigraphie fait voir ; elle est en cela pas seulement un ensemble de moyens au service de représentations variées, elle intègre des fins.

D’abord, elle fait voir au sens où elle fait porter notre attention de constructeur sur ce qu’il est possible de traiter en sérigraphie et la déporte par ses impossibilités vers d’autres objets productibles.

La collusion recherchée entre une réalité du champ visuel où , par exemple, du pochoir se manifeste, masque une productivité déictique générale. Il n’est pas nécessaire de se jeter dans cette chasse à l’analogie pour qu’intervienne dans la conduite avant tout projet délibéré une orientation du travail à l’insu du constructeur.

L’invention médiationniste de l’atechnie pointe a contrario un inconscient technique par lequel « ça » se fait, à l’égal du « ça » se dit freudien manifesté par le lapsus linguae. Freud lui-même mentionnait un lapsus calami qu’il n’a pas développé.

Ainsi, le sérigraphe voudrait faire passer l’encre de l’autre côté de l’écran, le tamisage étant là pour fixer des limites de résolution que l’héroïsme du constructeur voudrait dépasser. Le regard se trouve alors confronté à l’inacuité relative de l’outil mis en œuvre qui n’offre pas les finesses de la photographie. Ce sont alors les points, les lignes qui posent problèmes et les objets dits intéressants sont ceux qui jouent avec ce disponible, le masquant magiquement par des solutions déduites du matériel : supposons que je me saisisse du cadre à contre-jour, le pochoir ajoute sa forme à ce que je vois en arrière plan, dans le champ visuel, à travers le tissu ; du coup, deux formes et deux objets se télescopent. Supposons encore que le raclage de l’encre sur le tissu, par insuffisance de la charge, aboutisse à une impression fragmentaire dont la forme évoque celle de l’eau de mer qui vient s’échouer suer la plage. Le masquage-cadrage précédent comme l’enduisage-raclage ici sont réinvestis par magie dans une production déictique.
La différence avec une visée pratique ou empirique tient au lieu de l’attention : celle-ci s’exerce sur le réaménagement du matériel pour le rendre alors plus efficace parce que plus adapté à la chose particulière à faire. Elle fait voir l’équipement comme un ensemble de moyens asservis ou de fins à mobiliser en vue de l’obtention de la fin visée. On sait que la photo-sérigraphie tente de se rapprocher de la résolution photographique et que pour ce faire, le typon porte une trame qui voisine celle de l’offset sans toutefois y parvenir. Deux écrans sont actifs : celui du tissu limité en résolution par ses ouvertures de maille et celui de l’émulsion photosensible qui s’y colle. Il est possible de durcir au maximum la couche photosensible pour qu’elle neutralise le facteur des ouvertures de maille du tissu. Ce réaménagement peut conduire le constructeur encore plus nettement hors des usages, telle cette pression par frappe sur l’angle de la raclette qui fait surgir une fine ligne droite alors que les ouvertures de mailles ne peuvent que l’ignorer.

Quant à la modalité plastique, elle introduit dans l’ouvrage une façon de faire telle que rien ne peut être fait qui ne rappelle ce qui vient d’être fait et qui ne porte l’anticipation de ce qui va se faire. C’est dire qu’il ne s’agit pas nécessairement d’analogies visuelles mais d’une mise en rapport par concordance ou disruption de tout ce qui se produit. Un rythme soumet alors les opérations à l’ouvrage tel qu’il se fait, emportant le thème et, au delà, tout le contenu que peut gérer l’équipement mis en œuvre. Qu’un chasseur soit représenté en peinture le bras engagé dans un mur et l’on peut comprendre que cette image soit produite par le recours à l’arme à feu qui tend à transperce tous les corps ; que cette image puisse aussi intervenir en sérigraphie s’explique par le passage de l’encre à travers l’écran, mais pour le montrer, il faut une réitération, plus formellement, par cases dessinées où la matière de l’encre paraîtra en obturation des ouvertures de mailles ou mimétiquement, par représentation iconique d’actions réelles mettant en jeu du passage à travers.

11/11/2006

 

 

La technique fait voir

 

Le blanc s’interprète comme un vide en gravure en relief tandis qu’il se creuse mais ne s'évide pas dans la gravure en creux.

Ce sont là des variantes d’un effet plus global apporté par la gravure qui fait voir les choses en relief, qu’il s’agisse d’une sculpture, ce qui relève de son ordre particulier, ou de surface peinte, ce qui n’est plus de sa perspective.

A verser au dossier, ces racines qui affleurent accentuées par un soleil rasant, ces rochers de dolomite aux interstices remplis de mousse dessinant de surprenants objets. Et la neige rejoint l’impression en gravure qui métamorphose les reliefs et les incises15.

Continuons : chaque ouvrage propose un regard, projette sa réalité sur le champ visuel. Il devient le chef d’orchestre discret d’un concert qui unifie les faits disparates de notre environnement. Un étui à œufs face à un tas de fossiles et le monde minéralisé acquiert l’avenir de l’œuf, nous sommes dans un passé qui n’est pas encore éclos.

 

La voyance de la technique

 

Comment se fait-il que le lecteur de bande dessiné interprète la succession des cases comme une mise en mouvement de l’image ?

La question me fut posée hier, par Philippe Marcelé, auteur de bandes dessinée lui-même et enseignant à Rennes 2 aussi en Arts Plastiques.

Au lieu de tenter d’y répondre, je préfère souligner le constat qu’elle présuppose : la technique fait voir des réalités spécifiques, celles qui sont nécessaires à sa mise en œuvre. Ce n’est plus d’une convention, ni d’un code qu’il s’agit, qui imposerait de voir comme un mouvement, sinon un événement, le passage d’une vignette à une autre. Pour dire ce phénomène, il faut admettre une certaine voyance de la technique qui fait surgir devant nous un monde artificiel dont l’artificialité s’oublie aussitôt que le constructeur agit . Nous voyons les choses en plan bien qu’elles soient en volume, c’est la technique du dessin qui l’impose16, nous voyons de même les choses en mouvement bien qu’elles soient fixes.

La technique produit un regard spécifique comme le signe une explication qui propose des rapports invisibles entre les choses. L’invisibilité de la technique est là dans son potentiel de dispositifs qui va au-delà de la capacité physiologique et de Gestalt : du mouvement est produit en l’absence de l’effet de permanence rétinienne. Et c’est la culture technique qui l’invente.

Mais la technique nous montre aussi des réalités contre la magie qu’elle propose aussi par ailleurs. Le dispositif du poing américain, arme blache, se montre indifféremment à travers ce qui est écrit, love ou hate.

 

Isaac Julien,  Love Hate

 

03/12/2020

 

Le sens produit, non sens et hors sens

 

Fabriquer et produire, l’inefficacité de l’outil et sa productivité, légitimité des services non sémantiques, schématique, dynamique, cybernétique

 

Le sens produit dans la BD

 

A l’évidence, Fred se plait à organiser en récit la rencontre avec les conventions graphiques de la BD.
Le réel narré procède dès lors de l’artifice . La vignette devient case, la page offre un haut et un bas, la ligne verticale est un mur, bref deux modes d’emploi se disputent la vision-lecture de la page : celle qui avance selon la linéarité convenue de la BD et celle qui exploite magiquement la réalité d’une production graphique en lui conférant magiquement la valeur d’un réel.

Ce rapport à la BD a très tôt émergé dans la BD ; pourquoi cette prédilection pour un sens qui résulte des moyens mis en scène ? Ce principe est –il réservé à la BD ? Ou bien n’est-il pas dans le rapport à toute image qui joue avec ses constituants et constitués formels ? Exemple : l’œuvre de Magritte. Reprenons l’analyse de René Jongen et considérons davantage la contribution de la technique graphique au sens proposé. Bien que le texte ne soit pas donné à lire, on peut dire que la désignation est là à travers l’isolation des formes objets et leur relation d’énonciation.

 

08/06/04

 

Addendum: comment comprendre un texte avec profit?

Si l’on s’en tient à une définition étroite du texte comme ce qui est visuellement écrit, aucune lecture ne peut porter sur l’image si l’écrit n’y apparaît en lettres. Or nous savons bien que nous disposons de deux modes d’accès, perceptuel et conceptuel à l’image ; nous lisons ce qui est dit en images de même que nous voyons les lettres. Que le texte figure dans l’image, c’est une réalité qui incite à dire plus : il reconfigure l’image, à savoir qu’ainsi, il est toujours abstraitement là17. Si l’on admet cette extension du texte au sens produit, sens lié strictement à la représentation, nous pouvons développer le rapport texte-image sans entrave arbitraire.

 

Le tas ; tasser

 

(image : Bernard Pagès, tas de gravier dans un cube grillagé)

 

En breton, se tasser est traduit par diazéein (vannetais) ou diaseziñ (KLT) qui renvoient eux-mêmes au français : fonder. En développant ces deux pensées de la langue, on s’oriente vers deux façons différentes d’admettre les choses : tandis que l’une indique que les conflits s’apaisent d’eux-mêmes, avec le temps, de sorte qu’un regroupement se forme, comme un tas en tel lieu qui devient peu à peu lieu commun (on dit aussi en vannetais : er yoh tud pour désigner littéralement un tas de gens). Faire un tas, si l’on suit le dictionnaire des idées reçues, en breton, c’est déjà fonder. Tandis qu’en français, le tas est le fait technique d’accumulation qui rejoint l’agrégation, bref, la grégarité, en breton, chacun apporte son grain, de sable ou de sel, si bien que finalement on a une édification de quelque chose qui tend à se consolider. Le tas porte une image du groupe appréhendée en français avec un caractère informel : le tas s’oppose au volume organisé, comme si faire un tas ce n’était pas tout à fait construire. De fait, le dispositif d’accumulation, tel qu’il se produit par pelletées projetées fait rouler les grains vers la périphérie : les derniers arrivés étant les plus éloignés du centre du tas où se situeraient plutôt les grains fondateurs.

Ce que dit « la langue » à travers les expressions consacrées est une chose, ce que fait le jardinier c’est autre chose. D’abord, il ne fait pas un tas pour rien : au moins il fait un trou quelque part comme le sapeur Camembert qui faisait des trous pour y mettre des tas et des tas avec la terre tirée des trous. Moins caricatural, se fait d’un côté le bourrier, la pelisse, en tranchant la couche superficielle, sorte de peau végétalisée où l’herbe remplace les poils (pelisse), la terre végétale découverte ainsi de l’autre côté. Le tas va de pair avec un tri, une opération de gestion du capital, d’engraissement de la terre, le bourrier étant promis au compostage avec les déchets de nourriture. Le tas envisagé comme travail ne fait pas valoir l’idée de simple accumulation : encore action de conservation des récoltes, les parties superficielles protégeant le cœur, on met en tas comme on gère son patrimoine, avec de l’enveloppe.

 

Le télescope offre ainsi l’instance d’une critique interne de l’expérience.18

 

La phrase est extraite de la mutation du visible, essai sur la portée épistémologique des instruments optiques au XIIème siècle. Il est facile de lui donner le sens du démentis qu’apporte la vision outillée à la vue à l’œil nu, voire telle vision optique aux vues issues d’autres techniques (avec cette lunette je vois plus loin, etc.). On ne rend pas compte ainsi de la proposition critique interne : il est ainsi précisé qu’il ne s’agit pas d’une comparaison entre deux effets dont l’un discrédite l’autre, mais d’une opposition entre deux équipements au moins qui relativisent la vision : l’optique fait voir et différemment selon les changements opérés d’outillage. En somme, ce n’est pas tant une critique outillée des sensations qu’une mise en relation interne des équipements pour asseoir l’idée que le regard est le produit d’une technique.

Une autre remarque s’impose quant à la fin de l’activité : nous appréhendons ici le rapport outillé à la fin de telle sorte que l’ambition de l’opérateur est tout de suite mise en rapport avec sa technique : il n’est pas de fin qui ne soit proposée par l’équipement qu’il utilise ; c’est l’équipement nouveau qui apporte un nouvel horizon d’attentes.

Pourtant, en relisant le livre avant , puis après ce passage , je me rends aussi compte que ce sens que j’y vois est extrapolé, il est largement le résultat d’une rencontre avec mes préoccupations, car partout je retrouve la lutte du scientifique contre l’évidence sensible pour promouvoir le raisonnement.

Toutefois, ramenés à la visée de l’auteur, nous voyons poindre une autre perspective critique relativement à cette dynamique de l’optique en perpétuel remaniement : il y a toujours une évidence (certes non exclusivement sensible, mais peut-il en être autrement ?) à détrôner qui n’est que le point ultime où la technique antérieure a pu nous conduire. Autrement dit, nous composons toujours avec des a priori instinctifs qui sont aussi le fruit d’une élaboration. Sauf à croire au progrès, n’est en cause finalement qu’une traduction entre deux techniques : on ne voit pas le même paysage en circulant à pied, en vélo ou en auto, mais y a-t-il une vue qui serait la meilleurs ?

 

Lenn ha dilenn, lire et choisir

 

La pensée de la langue est là, dans ce rapport mythique des mots et des phonèmes qui proposent un infléchissement du réel désigné. Car s’il est vrai que la lecture utile est celle qui parvient à hiérarchiser les informations du message, le tri peut porter sur des réalités diverses, non représentatives. Par exemple, le tri des pommes de terre, celui des bulletins électoraux, etc. Certes, il existe d’autres termes pour les dire (dibabiñ, par exemple), mais pourquoi l’exercice du choix serait-il plutôt associé à la lecture ? Consolons nous par le fait que gweled renvoie au mieux de gwell ou gwellañ. Me wela gwell !

S’il y a une pensée de la langue, il y a à préciser ce que pourrait être la productivité d’une technique qui en rencontre une autre: celle-ci est à considérer de même au sens où elle donne des « idées » qui sont en définitive des choses à faire et non plus à dire. Dès lors c’est le magique qui prévaut. Voir à ce propos le tableau synoptique de la rencontre des dispositifs.

 

Les images en surplus

 

Les images en surplus sont celles qui prennent place dans les formes des images censées être évidentes. Elles sont parfois produites, parfois simplement possibles.

 

03/12/2020

 

Les productions du cinéma

 

"L'image tue le concept", dit un philosophe et en conséquence, il boude le cinéma.
D'autres s'interrogent: quelle est cette pensée particulière produite par le cinéma ? Mais le questionnement est formulé à partir d'une philosophie, il reste dans le cadre d'une philosophie qui évidemment se prévaut de l'absence de cadre.

Enfin une question qui peut intéresser l'anthropologue: comment le cinéma pourrait-il produire de la pensée, ce qui se produit est-il de l'ordre de la pensée? Ce qui se produit est-il de l'ordre du sens, du sens du langage. Le non-sens peut-il être pris en compte ? Relève -t-il de la raison du langage ou d'un autre ordre comme la rationalité technique ou sociologique. Est-ce une capacité de concept qui est principalement requise, ou une faculté cognitive, une cognition ou une élaboration? Ou bien ces capacités sont-elles sollicitées chacune à leur manière, chacune par la rationalité-rationalisation différente, spécifique, qu'elle constitue ?

Prenons l'exemple de l'effet narratif:

Il ne nécessite pas l'illusion du mouvement réel de l'objet; le simple fait de répéter avec une variante, le même item suffit à constituer une représentation de l'évènement narratif. Si l'on contraint artificiellement l'enfant à la narration en lui procurant un support multifeuille, est-il lui-même dans le rapport à une histoire ?

Pistes:

  • Les temps morts
  • Le déroulement de la bobine et le film
  • La successivité des photogrammes et le récit

 

Les services produits au delà du service attendu : "tant qu’à faire" :

La même machine produit deux trajets au lieu d’un attendu ; c'est en cela que le trajet est outillé, exemples:

  • puisqu’il y a encore de la place sous le crayon, comme il y en a sur la plaque offset,; c’est en cela qu’il est outillé.
  • tel code barre: les prescriptions écologiques rejoignent l’ornement et se confondent avec lui.
  • quand la paix menace la nature: entre les deux Corées, un corridor est devenu une réserve naturelle extraordinaire, aujourd’hui menacée... par la paix (Le Monde du 22 juin 2002)

 

L’espace et le temps filmiques

 

Ou comment le plan stoppe la séquence

 

Comment l’image reconstruit l’action ? Les photogrammes qui s’attardent en plans fixes donnent à voir ce qui n’est pas directement lié à l’action, tel cet arrière plan vers lequel pointe le doigt de Flaherty qui montre en arrière-plan une ambition par l’emblème de la tour. Ainsi le cinéma porte en lui-même un certain ralentissement filmique dû à la nécessité technique du champ quadrangulaire. La focalisation perceptive se trouve revisitée par sa re-présentation qui la nie du fait de l’inefficacité de l’outil. La construction de l’espace qui résulte de l’enchâssement quadrangulaire de la prise de vue infléchit l’effet temporel qui peut ainsi perdre sa linéarité, sa successivité.

03/12/2020

 

L’invisible produit

 

Nous pouvons voir un invisible qui n’est pas de l’ordre de la pensée, tel que le mot le propose lorsqu’il est mis en image, mais de l’action outillée : il est possible de contenir une bobine de fil dans un cylindre et cette possibilité outillée d’un contenant et d’une étiquette renseignée suffit à réaliser le service d’une ligne.

 

Manzoni

Ligne longue de 10,1 mètres, 9/59

Line 18.82m., September 1959

 

De même il est possible d’entrevoir ce qui n’est pas visible à partir de ce rouleau non encore déroulé : « c’est comme si c’était fait » et cette virtualité suffit.

 

Ligne de 7200 mètres: l'artiste Manzoni traçant la ligne

 

Machines atmosphériques

 

Entre 1956 et 1974, dans la mouvance de l'Internationale e Situationniste,

Constant Nieuwenhuys (1920) se consacre à New Babylon (1956-74), un
projet de village global d'abord intitulé « dériville », une architecture technolo-
gique de réseaux. La ville, un « labyrinthe dynamique », s'y organise en
volumes suspendus que Constant nomme les « secteurs » ou « machines
atmosphériques ». Transformée en « environnement artificiel », l'architecture
ne s'y définit pas par ses formes spatiales physiques ; elle produit plutôt des
« ambiances » où la couleur, la lumière, la température, l'acoustique, la venti-
lation, l'humidité favorisent l'immersion de l'occupant dans un environnement
intangible, poreux, où la perméabilité entre le dedans et le dehors et la disso-
lution du bâti étend la perception à un univers désormais sans limite fixe.

(1)

 

La constance du moyen par la mécanologie

 

Le matériau, comme l'engin, suppose un équipement au vu duquel l'utilité échappe à l'inconstance du moyen.

Le moyen toujours là dispense le constructeur d'être à son affaire. Si, dans le rapport au moyen, on fait feu de tout bois (et plus encore), dans le rapport au matériau, moyen analysé techniquement, c'est un pouvoir de combustion qui est requis par l'opérateur (constructeur quand il fait jouer à plein l'outil) et qui impose un choix parmi tout ce qui brûle (dont le bois vert). Dans un espace de vie une opposition survient avec un désagrément: les pouvoirs s'analysent entre eux indépendamment des occurences d'utilisation, mais la production met en éveil l'opérateur (opera oblige!) qui constate l'irruption d'un autre pouvoir, contre-pouvoir. Pouvoir de combustion et pouvoir fumigène ne font pas bon ménage, mais la dissociation du pouvoir calorifère de la combustibilité ne dépend pas de la gène de la fumée. Elle est possible par la différence de tâches qui oppose la combustion au chauffage.

 

On fait le noir pour voir clair

 

Ça n’a l’air de rien mais ça nous change de l’état habituel où il fait jour ou nuit : à quel moment on décide qu’il fait nuit ? La logique binaire est en train de changer par l’apport de l’ordinateur, de la physique des photons et du calcul quantique.

Nous le savions tous déjà : nous ne pensons pas comme des ordinateurs : nous pensons comme tous nos dispositifs à penser : nœuds dans le mouchoir et pense-bête inclus et nous pensons parfois par des dispositifs qui ne sont pas fait pour penser : mettant ainsi le boulier en continuité avec le chapelet à prières.

Quant à la lumière qu’il me faut pour projeter mes diapositives, il n’en faut pas en même temps et ce qui me permet de gérer cette contradiction, c’est de la lumière ici, mais pas là, la douche ou le spot, par exemple.

Même chose lorsque j’appuie sur l’interrupteur : il peut basculer sans que rien ne se passe ou la lumière se fait ou le noir se fait, ce qui correspond à trois états dont un , le premier tient au fait que je sais qu’il est possible que les deux autres interviennent : cela s’appelle de l’attention énergique à ce qui est à faire. Mais il faut en même temps dire que c’est possible.

 

03/12/2020

 

La réalité de l’outil dans l’image

 

Si l’on veut faire apparaître la réalité de l’outil il faut prendre en compte tous les effets qu’il produit, au delà des sens attendus et des autres services espérés. Dans un dessin que gère le traçage, il y a place pour des tracés divers et multiples sans que le constructeur puisse lever la polyvalence fondamentale de l’outil, autre aspect de son inefficacité, autrement qu’en exerçant son attention à ce qui ne relève que de la fin de l’action en cours, à ce qui est extérieur à l’image traitée par la technique.

 

Comment produire du mouvement à partir de la technique de l'image fixe?

 

Paul Klee et la danse ou comment produire du mouvement à partir d'un matériel qui n'est pas élaboré pour le transcrire

 

D'abord, ce rappel: aucune technique, si élaborée soit-elle n'est apte à nous faire parvenir totalement à la fin visée. Malgré tout nous y avons recours, et nous comblons magiquement la distance qui nous sépare de la chose à faire.

Un livre sur Paul Klee19 vient relancer cette problématique20 du hiatus irréductible entre l'instrument et l'outil, l'action et son outillage.

Il n'est pas niable qu'on puisse analyser la mouvement par des tableaux successifs, qui conduisent parfois d'ailleurs au dessin animé mais rien ne garantit que la transcription soit en quelque sorte asservie aux changements que comporte l'activité gestuelle du théatre ou de la danse.

Quel avantage paul Klee a t-il pu trouver dans la pratique de cet art du dessin lié thématiquement à la danse ou au théatre? Tout constructeur tend à produire pratiquement, plastiquement et magiquement. Cette dernière modalité de production motive le constructeur, le rendant fort de pouvoirs qu'il n 'a pas mais qui sont cependant suggérés par le dispositif dont il dispose. Dans le même ordre d'idée, un sculpteur comme Julio Gonzales s'est grandement servi du dessin pour en tirer des propositions volumétriques qui pouvaient bouleverser sa pratique habituelle. Voir en relief ce qui est en plan aboutit parfois à des impossiibilités qu'il faut alors contourner, de même Paul Klee produit par le dessin des funambules improbables qui suggèrent cependant par leur affranchissement magique vis à vis de la pesanteur des mouvements limites à expérimenter: danses en l'air, suspensions...autant de mouvements que la danseuse ou le danseur ne saurait produire dans le rapport au seul plancher. L'inventivité de la technique se manifeste dans cette rencontre de dispositifs, d'abord magique puis finalement pratique.

 

Police de l'inefficacité

 

Que l'écriture ne se confonde pas avec les objets qu'elle transcrit, cela nous est montré par cette police un peu usée qui voudrait nous rappeler que nous produisons dans l'effort et l'inefficacité.

La lettre « U » acquiert de ce fait une position centrale.

C'EST UN TROU QUI SURVIENT BRUSQUEMENT DANS CE PLATEAU SUR LEQUEL NOUS PENSIONS QUE TOUT NOUS ETAIT OFFERT PAR UN SIMPLE CLIC.

&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&

 

Mais simuler ne suffit pas: l'attention ne se gère pas autrement que par le corps pleinement occupé par l'avancement de l'ouvrage...........................................

 

Ce que dit Marcel Duchamp à propos du possible

 

Maurice Fréchuret nous indique21 qu’en 1915 Marcel Duchamp rédige une note intitulée Possible :

M.F. :[…]il y est question du rapport entre possible et impossible, entre possible et probable, et enfin entre possible et vraisemblable.

Maurice Fréchuret mentionne que Duchamp rejette le sens de ces autres termes pour retenir que :

Le possible est seulement

Un « mordant physique » [genre vitriole]

brûlant toute esthétique ou callistique

 

Le brûlot est là, dans ce refus des limitations qu’impose à l’art et à l’Art la visée esthétique.

A l’art en tant qu’activité technique qui peut agir pratiquement (empiriquement) sur l’équipement et l’utiliser pour modifier le réel, magiquement pour au contraire, changer le travail à faire en fonction des dispositifs existants et pas seulement produire esthétiquement un espace ou une durée. A l’Art en tant que rapport axiologique à l’activité puisque alors la casuistique et l’ascétisme montrent a contrario les balises de l’héroïsme.

 

Le travail produit son objet, son imaginaire et sa réflexion, pratiquement, plastiquement et magiquement (C2, mai 96):

 

 

Objets en surnombre:

Plastiquement:

La manipulation d’une pâte élaborée pour enduire comme d’une luminescence prévue pour signaliser apporte des variations qui font voir la pâte et la luminescence pour elles-mêmes, ce qui précisément désigne le processus plastique puisqu’alors ce sont des qualités sensibles qui ne sont développées avec insistance qu’en raison des formes qu’elles produisent, - fussent-elles jugées “informes” quand il ne s’agit que de variations internes aux surfaces - dans l’ouvrage qui se fait oeuvre.

Pratiquement:

L’enduit n’étant pas facile à appliquer uniformément si on ne dispose que d’une spatule, l’uniformité pourra néanmoins se faire si on répète les mêmes accidents. La luminescence étant fatiguante pour les yeux on la colorise ou bien on superpose un filtre-écran.

Magiquement:

on évite de recourir aux couleurs de l’abjecte et de la décrépitude dans les restaurants pour préférer inversement ajouter aux tartes et aux fruits rutilants des tableaux qui font valoir le goût et l’opulence par la finesse des variations et la richesse des teintes.

 

Images en cascade

 

Plastiquement :

l’image d’un changement périlleux offerte par Brigitte Nahon: l’écrou et son dispositif de serrage produit l’image de la fixité, dans le rapport à un échiquier emblème du jeu de société, il est l’inverse de la mobilité du pion fait pour le déplacement d’une case à l’autre, image renforcée par l’équilibre instable organisé par la disposition du plateau sur une étroite barre verticale

Pratiquement:

A la différence du passe-vue, le film organise une continuité entre les photos qui les met artificiellement en rapport

Magiquement:

le cinéma peut être appréhendé comme une machine à remonter le temps: il suffit d’inverser la rotation de la bobine

 

 

Pense-Bêtes, titres ou mémoires,

l’écriture fait penser

 

Pratiquement:

parce que la prise de notes n’est pas intégrale et qu’il faut bien boucher les trous

parce qu’un titre tend à réorganiser l’image qu’il désigne (“ceci n’est pas une pomme”)

Magiquement:

en raison d’une page blanche qui reste à occuper

parce qu’un titre invoque ce qui n’est pas là (“ceci n’est pas une peinture” Barry x Ball)

Plastiquement:

Par symétrie un poème peut se faire

Une oeuvre peut se faire par désignation d’elle-même (“Pain peint” Martial Raysse)

 

 

Exemples relevés dans les réponses écrites

(O= objet, I= image, P=pensée

Pr= pratique, Pl= plastique, M= magique)

 

1- La photographie prélève un fragment de la réalité (OM)

2- Le travail produit son objet magiquement: Rodert Smithson associe les tracto-pelles nécessaires à la réalisation de Spiral Jetty à des squelettes de dinosaures (OM)

 

3- ...de la tarlatane sur une plaie...pour essuyer délicatement mes plaques de gravure...(IM)

4- je ne savais plus alors si j’étais sensible au matériau ou si ce n’était pas lui-même qui était devenu sensible (OM)

 

5-...le caisson de la Joconde...pour protéger l’oeuvre de Léonard de Vinci (OPr)

6- si la luminosité est insuffisante, on rajoute un flash (OPr)

7-...en inversant le négatif on obtient une paire à partir d’une empreinte de pied dans le sable (OM)

8- (pour la pratique des rayogrammes) on choisira des objets ayant des formes particulières (OPr)

9- l’ombre projetée des verres donnent des effets parfois surprenants et abstraits (IM)

10- “Leçons de l’ombre” Christian Boltanski (OM)

11- le regard du spectateur était “happé” au centre de la toile (OM)

12- des photos prises dans des blocs de glace...glaçage, brillance, réalité éphémère, saisie d’un instant (Patrick Tosani) (OPl)

13- Perles brûlées de “pâte à sel”) ...par erreur de cuisson j’obtiens un aspect satiné et vieux en même temps qu’une nouvelle forme (OM)

14- La moindre photo est un photomontage (IM)

15- l’opération photographique produit une déïctique conforme à l’idéologie militaire (IPl)

16- la magie va associer...principe d’association qui produira des monstres. On accède à une cohésion à partir de ce qui était séparé (IM)

17- Escher fait preuve d’une immense inventivité (OPl, OM, OP; id.pr. I et P)

18- la caricature de Louis XVI qui le fait ressembler peu à peu à une poire...(IM, IPl)

19- La photo en cadrant le visuel fait exister tout ce qui s’y trouve pris, pas nécéssairement le centre d’intérêt (OPl, OM)

 

Commentaires

 

/1-le photographe peut agir magiquement: magie de l’enfermement dans une boîte, “mise en boîte”, appropriation de l’environnement

/2- OK, si la raison de ce rapprochement n’est pas uniquement d’ordre représentatif et si l’automation du trajet rejoint l’animation du vivant (IM plutôt qu’OM)

/3,4- la gravure et sa suite peuvent ancrer un théatre sadomasochiste: l’essuyage et le soin réparant l’attaque de la pointe, la morsure de l’acide (la blessure) tout en préparant l’impression. C’est maintenant un lieu commun de considérer le lien matriciel que le terme de “lange” souligne, le dédoublement, le recto-verso, le caché et le montré font partie de cet anthropomorphisme généralisé à toute la technique qui correspond inversement à la robotisation, au mécanomorphisme de l’humain.

/5- le caisson fait voir la Joconde autrement: comme la mise en scène de l’intouchable, l’inclusion aussi (celle d’Arman) comme un éloignement des choses, une perte de proximité, ce à quoi répondent les emballages de Christo qui prônent non la nostalgie mais le renouvellement du regard

/6- on dit que par le flash la photo est “écrasée” en désignant par là un manque de volumétrie et de profondeur, voilà un objet produit artificiellement et pratiquement par souci de “l’exposition” requise (sans écrasement magique)

/7- les techniques dites de reproduction (photo, imprimerie, photocopie, ordinateur) multiplient les objets et les font ainsi magiquement exister non seulement par l’enregistrement mais par leur copie

/8- la technique utilisée produit donc une sélection pratique des choses en fonction de leur intégrabilité en tant que trajets aux dispositifs d’insolation mis en place (transparence, platitude relative)

/9- ce n’est pas d’aujourd’hui qu’on prète attention à “la part du démon” dans les effets de l’éclairage: cf; les ombres chinoises

/10- autre productivité de l’éclairage: l’indication d’une importance sociale; le projecteur projette magiquement sur la scène sociale de l’actualité celui qui est éclairé et non plus seulement de la lumière

/11- la vision focalisée est produite par tout format (plan) centré (rectangle, cercle, polygônes réguliers)

/12- la technique utilisée produit son objet en l’occurrence celui qui renvoie à elle: elle fixe magiquement un instant et propose un regard sur tout ce qui fige

/13- ...à condition que le trajet obtenu fasse l’affaire

/14- le fragment d’image produit pratiquement un hors champs imaginaire comme le montage un récit

/15- prenez garde, la photo met les gens au garde-à-vous!

/16- le collage-découpage produit des monstres (cf.”Le monstrueux dans l’art occidental” G.Lascault)

/17- précisément la problèmatique d’Escher, celle de l’inversibilité de la forme et du fond est liée à l’utilisation du plan

/18- plastique doublée de magie qui fait ressembler quelqu’un à une poire

 

/C2

 

 

Fonds d’écran d’ordinateur et productivité de la technique

 

Le volcan d’Antananarive, les flèches du pont sur la rocade rennaise avec les fils d’un réseau, le moyen de transport collectif qui s’enfonce en terre, ce sont trois images suscitées par l’écran d’ordinateur. Images illustratives qui interprètent le rapport à cette boîte noire, chacune en montre un aspect différent. Le volcan convoque le pouvoir magique en cause (ça sort de l’ordinateur comme d’un volcan), les trois flèches et les fils affichent l’énergie et la transmission à distance des informations, tandis que le bus se cache en terre tout comme cette boîte opaque masque son contenu d’objets électromagnétiques invisibles. Dans les trois cas, il ne s’agit pas encore d’images produites ; elles dérivent d’une technologie mythique ou scientifique ou poétique, autrement dit, d’une conscience et non d’une conduite.

Que serait une image produite par ordinateur ? Par exemple, celle visée par le constructeur de dessiné animé : la possibilité de faire en un mois ce qu’on ferait en 10 ans par le dessin manuel, à savoir une interpolation de formes. La connaissance du logiciel doit en théorie permettre de prévoir tous les effets de la mise en action de cette fonction d’interpolation. La maîtrise de tous les facteurs n’étant pas à notre portée, on s’en remet à la puissance de calcul pour produire l’évolution plausible d’un tracé et nous ne manquons pas à chaque fois d’être surpris par le mouvement qui en résulte. En somme nous avons déterminé un inconnu à partir de deux formes connues sans maîtriser ce qui interviendra entre le départ et l’arrivée, que les deux images clés occultent techniquement. C’est cet aveuglement relatif du constructeur qui, produit artificiellement, est à mettre au compte de l’outil séparé du trajet dans l’action outillée.

GLG
11/10/04

 

Productivité déictique de la technique : architecture et vidéo

 

Au sein de l’Abbaye royale de Fontevraud, Ange Leccia propose de conjuguer la matérialité de la pierre à la fluidité de la vidéo. Le tuffeau est ici une surface lumineuse dont les multiples inflexions paraissent rendre au regard sa mobilité. Cette roche calcaire au fort pouvoir d’absorption peut rappeler la célèbre leçon de Léonard de Vinci dans son Traité de la Peinture : « Si tu regardes des murs souillés de beaucoup de taches, ou faits de pierres multicolores, avec l’idée d’imaginer quelque scène, tu y trouveras l’analogie de paysages ou décor de montagnes, rivières, rochers, arbres, plaines, larges vallées et collines de toute sorte. Tu pourras y voir des batailles et des figures aux gestes vifs et d’étranges visages et costumes et une infinité de choses, et tu pourras ramener à une forme nette et à compléter ».

Dans le cas présent, cette forme prend l’apparence fantomatique d’une naïade contemporaine, qui pourrait glisser sur les murs telle une onde. Evanescente, elle se fondrait dans l’architecture et lui confèrerait une légèreté, comme si les soubassements étaient alors en suspension. Le visage de la jeune femme sous l’eau présente une aura mystérieuse qui traduit le refus d’une signification univoque.

A la fois prisonnière de l’espace et dans son élément, cette figure fugitive montre que la dimension poétique du travail de Leccia tient en sa simplicité et en sa capacité à se charger de multiples évocations. La fragilité visible dans la liquidité de l’image devient alors une métaphore délicate de l’inconscient, l’expression d’une intériorité labile qui chercherait à se dégager de son bloc opaque pour se mouvoir dans les flux actuels de la communication.

Fabien Danesi, 200722

 

Les métaphores sont nombreuses et conduisent à un élargissement magique du thème. La question est de savoir à quoi tient la survenance d’une image qui n’est pas visiblement là, proposée à l’évidence par une configuration matérielle nette, dégageant une forme d’un fond sans interprétation , en se fondant sur l’organisation sensible du champ visuel. Le cas présent met en rapport la vidéo avec l’architecture et il se produit alors un processus de traduction réciproque : l’architecture apporte à la vidéo un renforcement particulier, en raison de la friabilité du tuffeau lui-même, de sa non-permanence et du bas-relief de l’écran offert par les murs architecturés et corrodés. La fragilité de l’édifice se propage jusqu’à conférer ce même caractère aux images. L’opacité de la pierre et aussi la fonction passée d’enfermement des êtres résiste à ce propos de fluidité sans barrage mais c’est pour mieux relancer l’interaction entre une architecture bloc et une vidéo fluide, libération de l’image prisonnière des pierres.

Inversement la vidéo fragilise le bâtiment du moins en représentation ; il acquiert de plus une légèreté et perd sa consistance pour participer à un mouvement en dépit de sa fixité. Autrement dit la vidéo fait voir l’architecture par sa médiation technique et inversement l’architecture reforme la vidéo en tant que lieu détenteur d’images inconsciente, enfouies dans la pierre ; elle se « camérise ».

 

En rouge, les images architecturales

En bleu, celles de la vidéo

 

Productivité déictique du dispositif

 

Le dispositif fait imaginer, non comme une suggestion possible mais comme une nécessité exclusive. Par le dessin, la gestion de certains objets est privilégiée, impossible avec d’autres dispositifs ou simplement traités autrement dans un rapport représentatif plus conceptuel : difficile d’évoquer telle peinture à la radio et pourtant cela se fait. A l’encontre de l’infinitif d’une fabrication, lorsqu’elle se manifeste à travers un plan de travail encombré des seuls dispositifs qui entreront en action, la production voudrait dépasser les limites techniquement imposées : produire du mouvement sur la base de dispositifs d’images fixe revient à s’appuyer sur une capacité de suggestion puissante où les mouvements oculaires sont requis pour remplacer des mouvements réels externes qui ne peuvent avoir lieu.

Mais aussi inventif soit-il, le constructeur n’est jamais aussi efficace que lorsqu’il repère la promesse offerte par le dispositif qu’il utilise.

Dans cet ordre d’idées, Wilhelm Morgner dit ainsi : Le soleil est le symbole dominant de la plus haute féminité…En tant que peintre, le symbole de cette féminité est la couleur ; en tant que dessinateur, c’est le mouvement circulaire.
Rappelons Le Laocoon23

Rappelons la querelle du dessin et du coloris au 17ème siècle, elle montre deux façons de voir à partir de deux dispositifs principaux. Ajoutons l’opposition de la peinture à la photographie au moment de l’invention de celle-ci au 19ème. Mais il faudrait porter une attention moins macroscopique pour se rendre compte que la gravure comporte outre le dessin, la spécificité de la taille, que la couleur peut être faite d’obturation lorsqu’elle est produite par la sérigraphie, que l’installation a apporté la présence du lieu d’exposition, une réalité moins lointaine, etc.

Les technologies numériques ont ainsi leur détracteur qui ne reconnaissent plus en elles les possibilités liées aux anciens dispositifs d’écriture, pointant les effets néfastes d’une productivité par arborescence24.

Un colloque de l’Université de Montréal suggère ces interrogations quant à la détermination qui plombe ou, inversement, soulève le faire : http://cri.histart.umontreal.ca/cri/fr/colloques/1999-03/mariniello.html

 

La contestation des limites imposées techniquement passe par le recours à d’autres dispositifs destinés à pallier les insuffisances de l’un. Ainsi se met en place une sorte d’intermédialité25.

 

D’un dispositif à l’autre se produit une différence qui n’est pas incorporée de la même façon selon les générations, celle qui naît avec le nouveau moyen dispose d’une technique somatisatisée supplémentaire et le met en position de traduire, tandis que l’autre cherche dans le nouveau l’ancien moyen qui lui est, comme il dit, plus familier26.

Proposons donc de réfléchir à la traductibilité du texte par l’image : du père au fils et du texte à l’image. La collaboration du père et du fils.

 

Sérendipité (suite)

 

Enfin, sur le point, plus hasardeux, de l'analyse de l'évolution du droit sous l'angle de la sérendipité. Cette approche implique d'accorder la primauté à la méthode d'observation et à l'expérimentation telles qu'elles ont été promues par Claude Bernard il y a plus de cent ans. Il est vrai que beaucoup de juristes ont été influencés " par l'esprit même de ce siècle " comme le montrent certains travaux: dans les cours d'introduction au droit par exemple, dans la lignée de la méthode expérimentale, on incitait les étudiants à observer les faits, à les grouper, et, à partir de ces groupements, à observer d'autres faits et des rapports non encore observés. Dans un ouvrage publié en 1925 intitulé " La science pure du droit ", l'auteur va même jusqu'à recommander d'étudier le droit " comme le chimiste étudie les corps ".

 

GLG :

En somme l’invention de la grille, du tableau synoptique est d’une certaine façon un pied dans l’avenir puisqu’on ne remplie pas en un jour toutes les cases possibles ; Mendéléiev est encore d’actualité

 

Symbole et symptôme

 

A cet endroit, par cette opposition, on pointe du doigt le fait que l’ouvrage gagne sa légitimité d’œuvre sur une base non représentative qui active les représentations. Tout ce qui se produit ne parvient pas à la reconnaissance par un sens constitué d’objet perçu et conçu. Trajet, sujet, projet, y sont associés lorsqu’ils ne sont pas séparément principes actifs déterminants. On se reportera au développement sur la technique et l’empire du sens.

 

On peut même affirmer que Cassirer, en tant que défenseur de la « rationalité esthétique », reste un des esthéticiens les plus proches de Rochlitz lorsqu’il affirme par exemple que « […] l’œuvre, même quand elle traite d’un sujet apparemment irrationnel et ineffable, reste clairement organisée et articulée. […] [L’art] peut nous livrer la vision la plus bizarre et la plus grotesque et pourtant conserver sa propre rationalité — la rationalité de la forme. [38]  » Chez ces deux auteurs la distinction entre le symbole et le symptôme permet également de faire le départ entre l’art et ce qui reste en deçà de la logique artistique : dans un cas la création atteint une signification universelle, dans l’autre elle ne dépasse pas le stade du phénomène idiosyncrasique

« la singularité d’un vécu a été transformée en ‘langage pour tous »

 

http://www.uqtr.uquebec.ca/AE/Vol_9/roch/Uzel.htm

 

Une invention pratique et magique

 

Tu repères un trou inopiné dans la construction de bois ; tu te dis qu’en y introduisant un cordon, il est possible de la suspendre. La pièce suspendue à ta main est renversée car le trou se situait à la base ; tu te dis qu’ainsi le volume montre un assemblage affranchi de l’équilibre ; mais tu ne trouves pas d’endroit pour son accrochage ; finalement tu poses le tout sur la table devant toi dans la position initiale mais avec , en plus, ce cordon qui montre des possibilités de réversibilité réduites par la pesanteur et la recherche de l’équilibre du volume.

 

29/09/2006

 

 

Volume inattendu par collage 127

 

Voir et concevoir le dessin désignant, situant, produisant

 

"Sacrée Chloée, va ! "

 

En supposant que ce soit le tracé qui apparaît en orange et que Chloé désigne ce tracé de chapeau comme un chapeau vert-orange, cette désignation ne fait pas du tracé une écriture.

Cette supposition n’amène pas non plus à dire que le dessin est exclusivement fait pour indirectement désigner, autrement dit pour être lu : la lecture implique qu’un objet visuel soit mis en rapport avec un objet phonétique et sémantique. Le dessin, même dans le rébus, garde sa fonction de représentation d’objet non conçu : le jeu table justement sur la double réalité de dessin d’observation et d’écriture du tracé en question.

Verser totalement une performance graphique du côté de l’objet conçu ou de celui du perçu constitue une possibilité même lorsqu’il s’agit a priori d’écriture : il suffit d’évoquer l’art typographique !

Lorsque l’écriture se mange comme sur les gâteaux, elle correspond à un double fait scriptural et culinaire, mais la plupart du temps on ne mange pas l’écriture, ou alors on s’intoxique. L’écriture n’est pas faite pour être mangée ni le dessin d’observation pour écrire. Mais que dire d’un dessin qui serait d’imagination ? Quel critère formel nous permet de destiner l’image à la désignation ou à l’inverse, de la sortir d’une représentation conceptuelle ?

Chez Luquet, l’isolation des configurations fait partie des critères d’une conceptualisation qu’il qualifie d’intellectualisation. Jean-claude Quentel y voit plutôt la manifestation de l’enfance, une impossibilité à mettre le tout dans une perspective historique. Je suis enclin à accepter les deux propositions pour faire valoir un conflit entre un espace logique et un espace corporel que le dessin d’observation prend en compte en lui apportant parfois des solutions

illusionnistes comme la perspective linéaire où , fiction, le corps physique est mis en continuité avec l’espace irréel d’une représentation artificialisée.

Ce qui motive le dessinateur ou le peintre c’est qu’il n’en finit pas de s’approprier le dessin ou la peinture, à l’encontre des conventions qui les établissent. Ainsi, la convention de la ligne : Ingres disait qu’elle n’existe pas dans la nature. Disant cela il relevait le conflit que Cézanne a repris entre le perçu et le conçu : une séparation est introduite dans le champ visuel : est-elle le résultat d’une conceptualisation ou le produit de la technique employée pour le transcrire ? car le traçage impose une séparation, une division de l’espace. C’est à ce point qu’on touche à la productivité du dessin : il fait voir distinctement, à la différence de la peinture dont l’équipement, chromatisation mise à part, tend plutôt au balayage des surfaces.

15/03/05

Surlignés

 

La question du commencement… et de la fin
Soit, un atelier théâtralisé par une façon de faire ralentie qui adopte par convention la pétrification des opérateurs (le jeu des statues): savoir repérer les unités d'action, les anticiper est un exercice d'analyse qui suppose d'accepter de se laisser surprendre par ce qui se fait quand on fait.

Le geste (aussi bien corporel que mental)

Projet d'un atelier visant à expérimenter l'hypothèse que le matériau, autant une analyse de la matière que de l'énergie, n'existe que par le geste de son extraction-utilisation. Dès lors, quelles différenciations et quelles segmentations de l'activité porte-t-il?

Activité/passivité (volonté et accueil de l’imprévu)
Les pouvoirs techniques disponibles peuvent s'avérer être des contre-pouvoirs qui se manifestent alors qu'on ne les a pas délibérément mis en action. Ainsi, les actions fossilisées dans les choses élaborées se réveillent.

Les régimes de la pensée intuitive (non verbale, diagrammatique…) à l’œuvre dans l’acte créateur

Deux types de conduite peuvent s'expérimenter: quoi qu'on fasse, l'action mobilise notre capacité d'attention tandis que l'on s'appuie toujours avec légèreté, assurance et négligence sur un fonctionnement déjà là, machinal. Un atelier de production quelconque pourra le tester.

Transmission et enseignabilité(?) d’une aptitude à créer
L'enseignement met en signe...quel mot trouver pour dire mettre en outil? Une méturgie? Ceci pour développer une vue déjà outillée, favoriser ce qui fait faire, manipuler en fonction d'un aller et retour entre la technique et l'ouvrage à produire. Condition d'une telle approche: mettre en sourdine l'objet, l'indice et son sens pour appréhender du trajet, conférer aux choses le statut de moyens et de fins en faisant valoir des actions techniquement inhérentes.

25-01-10

Symbole et symptôme

 

A cet endroit, par cette opposition, on pointe du doigt le fait que l’ouvrage gagne sa légitimité d’œuvre sur une base non représentative qui active les représentations. Tout ce qui se produit ne parvient pas à la reconnaissance par un sens constitué d’objet perçu et conçu. Trajet, sujet, projet, y sont associés lorsqu’ils ne sont pas séparément principes actifs déterminants. On se reportera au développement sur la technique et l’empire du sens.

On peut même affirmer que Cassirer, en tant que défenseur de la « rationalité esthétique », reste un des esthéticiens les plus proches de Rochlitz lorsqu’il affirme par exemple que « […] l’œuvre, même quand elle traite d’un sujet apparemment irrationnel et ineffable, reste clairement organisée et articulée. […] [L’art] peut nous livrer la vision la plus bizarre et la plus grotesque et pourtant conserver sa propre rationalité — la rationalité de la forme. [38]  » Chez ces deux auteurs la distinction entre le symbole et le symptôme permet également de faire le départ entre l’art et ce qui reste en deçà de la logique artistique : dans un cas la création atteint une signification universelle, dans l’autre elle ne dépasse pas le stade du phénomène idiosyncrasique

« la singularité d’un vécu a été transformée en ‘langage pour tous »

 

http://www.uqtr.uquebec.ca/AE/Vol_9/roch/Uzel.htm
 

Une invention pratique et magique

 

Tu repères un trou inopiné dans la construction de bois ; tu te dis qu’en y introduisant un cordon, il est possible de la suspendre. La pièce suspendue à ta main est renversée car le trou se situait à la base ; tu te dis qu’ainsi le volume montre un assemblage affranchi de l’équilibre ; mais tu ne trouves pas d’endroit pour son accrochage ; finalement tu poses le tout sur la table devant toi dans la position initiale mais avec , en plus, ce cordon qui montre des possibilités de réversibilité réduites par la pesanteur et la recherche de l’équilibre du volume.

29/09/2006

 

 

 

 

Table des matières

 

 

La production du réel 1

Boîte vide à remplir et chose à caser 2

Comment les boîtes produisent des histoires 3

Conseils à Chloé : la technique est productive 4

Des affichages 5

Dessin et crayon tenus en main contre la productivité du traçage 6

Formes amorphes pour une morphologie de l’activité outillée 7

Entre l'effet de modèle et de miroir, le paysage technicisé 8

L’escargot sérigraphique 9

La formation des pillow-lavas 9

Fétichisme 11

Fonds d’écran et images produites 12

Dessin et sculpture 14

Homo faber refait 15

Comment l’image se produit indépendamment du fait qu’elle se pense ? 16

L’image produite 17

Productivité de la technique par inversion 18

Intelligence artificielle 19

Les hypomnemata 19

L’invention par collaboration 20

La construction du temps 22

La fonction anticipatrice du programme 23

La girouette et les vents verticaux 24

La productivité de l’écrit 26

La production du temps dans l’œuvre de Stéphane-Louis MARIE 27

La productivité de la machine 29

La productivité de la machine (suite) 31

La productivité de la technique se comprend de trois façons 32

La productivité narrative de l'image 33

La productivité par l’engin 34

La productivité par l’engin (suite) 35

La productivité technique du matériau 36

La productivité téléologique du dispositif 38

La sérigraphie fait voir 39

La technique fait voir 41

La voyance de la technique 42

Le sens produit, non sens et hors sens 43

Le sens produit dans la BD 44

Le tas ; tasser 45

Le télescope offre ainsi l’instance d’une critique interne de l’expérience. 46

Lenn ha dilenn 47

Les images en surplus 48

Les productions du cinéma 49

Les services produits au delà du service attendu :

50

L’espace et le temps filmiques 51

Ou comment le plan stoppe la séquence 51

L’invisible produit 52

Machines atmosphériques 53

La constance d'un moyen par le matériau 58

On fait le noir pour voir clair 59

La réalité de l’outil dans l’image 60

Produire du mouvement 61

Polices usées 61

Ce que dit Marcel Duchamp à propos du possible 63

Le travail produit son objet, son imaginaire et sa réflexion: 64

Fonds d’écran d’ordinateur et productivité de la technique 67

Productivité déictique de la technique : architecture et vidéo 68

Productivité déictique du dispositif 69

Productivité déictique du dispositif 72

Sérendipité (suite) 75

Symbole et symptôme 76

Une invention pratique et magique 78

Voir et concevoir le dessin désignant, situant, produisant 79

 

1Nécessité et effet de la théorie : La théorie est heuristique, tant dans la position des problèmes que dans la recherche des informations.

[…] le plus souvent, pour prendre une comparaison domestique, on cherche une boîte pour recevoir une chose qu’on a à caser ; tout au contrraire, la théorie conduit, et même contraint, à « ouvrir » des cases, comme dans le tableau de Mendeléev, que seule fait prévoir la cohérence du système et avant même qu’on ait de quoi les emplir ; c’est à dire à se poser des questions auxquelles l’information de première évidence ne fait pourtant pas d’abord penser. p.25, Artistique et archéologie, Philippe Bruneau et Pierre-Yves Balut

2 de même que l’évidence, par symbole, fournit immédiatement l’indice et son sens, l’instinct, par instrument, fournit le moyen et sa fin.

3 Après le tremblement de terre

Murakami Haruki

Traduit par : Corinne Atlan

Edité par : 10/18

2000

Le recueil « Après le tremblement de terre » regroupe les nouvelles suivantes :

Un OVNI a atterri à Kushiro

Paysage avec fer

Tous les enfants de Dieu savent danser

Thaïlande

Crapaudin sauve Tôkyô

Galette au miel

 

NOTES

4 Hangar à Bananes
Quai des Antilles, île de Nantes
44000 Nantes

5 On peut toutefois le dire magiquement.

6 De l'éthique à la politique

Dans l'amour de soi, l'individu est à la fois lui-même, et un autre ; il est en même temps sujet et objet. C'est ce dédoublement qui fait du rapport à soi la matrice de la relation amicale, car l'autre est, symétriquement, «un autre soi-même» — mais c'est aussi la matrice des désordres politiques, puisque l'homme mauvais est en dissension avec lui-même (διαφέρονται γάρ έαυτοiς).

La réflexion d'Aristote sur la φιλία comporte donc une dimension politique, qui apparaît avec davantage d'évidence si l'on sait que le mot φιλία désigne en grec bien plus que l'«amitié» : c'est aussi le lien qui unit des frères entre eux, ou des parents à leurs enfants, ou même des amants. Il faut lire le texte grec pour s'en rendre compte : le mot employé pour désigner le désordre intérieur est le mot στασιάζει. Or, στασις veut dire «révolte», «guerre civile», voire «parti politique» ! Chaque individu est donc non seulement une famille, une phratrie, un hétairie, mais même une cité en miniature, et la réflexion éthique sur l'amitié rejoint la réflexion politique sur le vivre-ensemble.

http://www.anagnosis.org/ana/?q=node/237

7 Le terme renvoie aussi et plus spécifiquement à une représentation projetée : on vise alors la maîtrise du projet dans la succession des opérations nécessaires.

8 « En plein’art », parcours artistique en plein air, 13 et 14 octobre 2007, Durban-sur-Arize (09)

9 L’organicité de l’enfance trouve ici son écho dans la forme des ouvertures qui composent avec le plan droit du plancher, tandis que le vaisseau de la charpente coiffe le rectangle rectiligne qui signalise aussi socioartistiquement l’architecture d’aujourd’hui jusqu’à la sphère d’hier symboliquement génésique.

10 On rejoint ici la méfiance du plasticien à l’égard de l’analyse. La médiation ajoute que ce n’est qu’un moment de l’activité qui, pour être nié dans une production, n’en existe pas moins dans la fabrication.

11 Le terme est courant en arts plastiques.

12 Loin de trancher quant à la séparation ou la réunion nécessaire des arts, le double caractère, technique et instrumentale conduit à souligner une troisième voie, entérinant les deux possibilités : la dialectique de leur divergence et convergence.

13 La définition baconienne de l'homo additus naturæ est vague et incomplète, car il ne s'agit pas seulement de l'homo quelconque, de l'homme en général, et il ne s'agit pas non plus d'une nature séparée de lui, l'accueillant avec une passivité invincible. Entre ces deux termes la forme intervient. L'homme en question, l'homme dont il s'agit forme cette nature ; avant de s'emparer d'elle, il la pense, la sent, la voit forme. L'aquafortiste la voit à l'eau-forte et choisit en elle ce qui peut lui être déjà faveur technique – Rembrandt, la lanterne d'écurie qu'il promène sur les profondeurs de la Bible ; Piranèse, le clair de lune romain dont il alterne, sur les ruines, les rayons et les ombres, et, comme il fut peintre de théâtre, il ne saurait, dans les heures du jour, en trouver aucune qui favorise à ce point les artifices et le vertige de la perspective théâtrale. Le peintre des valeurs chérit la brume et la pluie qui les accordent et voit toute chose à travers un rideau mouillé, tandis que le coloriste Turner contemple le soleil, décuplé, réfracté, mouvant, dans son verre d'eau d'aquarelliste.

 

Se montre à travers ce propos la productivité de la technique et la production de réalités spécifiques fonction des dispositifs mis en œuvre. La nuance apportée par la Médiation est d’importance : elle consiste à repérer dans le rapport au réel une forme médiatisante huit fois, naturellement et culturellement : Gestalt (objet, trajet, sujet, projet) et structure (signe, outil, personne, norme).

14 Walter Benjamin : « la tâche de la critique est de connaître les œuvres en leur irréductible singularité [11]  ».

15 Intailles et camés ne sont des cas particuliers.

16 Comme la photographie en noir et blanc nous fait éliminer la couleur du monde, etc.

17 On pourra se référer à un précédent article, L’invisible des mots dans l’art, Arène 2 n°2, 1996.

18Philippe HAMOU , La mutation du visible, essai sur la portée épistémologique des instruments optiques au XIIème siècle, Presses Universitaires du Septentrion, 1999, p.132

19Paul Klee, Le théatre et la vie, éd. Actes Sud, 2009

20Art Press, n°354, mars 2009

21 Le mou et ses formes, p.31-32

22 Extrait du Carnet de visite : Ange Leccia à l’Abbaye de Fontevraud, coédition de l’Abbaye et du lieu unique dans le cadre de la manifestation Estuaire Nantes-St Nazaire 2007

23 Wilfried Barner, « Le Laocoon de Lessing : déduction et induction »

JOHANNE LAMOUREUX, professeure, Département d'histoire de l'art, Université de Montréal. Titre de la communication : Du cri au C.R.I : réflexion sur un acronyme paradoxal. (Extrait) : En 1766, Lessing publie le Laocoon et élabore une des premières grandes attaques contre l'ut pictura poesis, posant en quelque sorte les bases de la doctrine moderniste de la spécificité du médium de Clément Greenberg (Towards a New Laocoon). Or la démonstration de Lessing, quant à la nécessité de ne pas transgresser les contraintes matérielles respectives des arts du temps et des arts de l'espace, tourne autour d'une réflexion sur le cri. Lessing s'interroge en effet sur la question de savoir pourquoi le célèbre groupe sculptural de Laocoon et de ses fils donne à voir un protagoniste qui ne crie pas et s'éloigne par là du modèle possible offert par l'Énéide.

"L'artiste voulait représenter la beauté la plus grande compatible avec la douleur physique. Celle-ci, dans toute sa violence déformatrice ne pouvait s'allier avec celle-là. L'artiste était donc obligé de l'amoindrir, de modérer le cri en gémissement, non pas parce que le cri indique une âme basse, mais parce qu'il donne au visage un aspect repoussant. Imaginez Laocoon la bouche béante et jugez. [...] Une bouche béante est, en peinture, une tache, en sculpture, un creux, qui produisent l'effet le plus choquant du monde, sans parler de l'aspect repoussant qu'elle donne au reste du visage tordu et grimaçant [...]. Quand le Laocoon de Virgile crie, à qui vient-il à l'esprit que, pour crier, il faut lui élargir la bouche et que cette bouche déformée le rend laid? Il suffit que le clamores horrendos ad sidera tollit soit un trait magnifique pour l'oreille, il peut être ce que l'on voudra par rapport au visage [...]. Le Laocoon de Virgile crie, mais ce Laocoon qui crie est le même que nous connaissons et que nous aimons déjà comme le patriote le plus clairvoyant, comme le père le plus affectueux. Nous attribuons son cri, non à son caractère, mais uniquement à son intolérable souffrance. C'est elle seule que nous entendons dans son cri, et c'est par ce cri seul que le poète pouvait nous la faire comprendre. Qui pourrait l'en blâmer? Ne doit-on pas plutôt reconnaître que, si l'artiste a bien fait en ne faisant pas crier Laocoon, le poète aussi a bien fait en le faisant crier?"

24 DOMINIQUE CHATEAU, professeur, Département d'arts plastiques et sciences de l'art, Université Paris I Panthéon-Sorbonne (France). Titre de la communication : Pour une critique de la raison médiatique: la question du contenu. Résumé : On se préoccupe des formes technologiques, des modes de médiation, et l'on s'extasie devant le progrès de leur puissance communicationnelle. Est-on sûr que ce progrès technique et fonctionnel constitue en même temps un véritable progrès du savoir? Est-on sûr que la mondialisation du savoir qu'il permet soit ipso facto un approfondissement du savoir? D'un côté, à considérer les nouvelles conditions de la production intellectuelle, culturelle et artistique, il est patent que le modèle systématique, construit autour d'une raison unifiée et unificatrice, a cédé le pas au modèle systémique, caractérisé par la pluralité des centres de rationalité, la circulation en réseaux infinis des informations, d'où une profonde métamorphose épistémologique. D'un autre côté, les nouveaux médias sont des supports de discours qui, en même temps qu'ils introduisent de nouvelles modalités, en réactivent d'anciennes, et, du même coup, rétrogradent. Derrière la machinerie qui règle le décor médiatique, la scène cognitive qui se dévoile peut sembler régresser à des modes de pensée plutôt primitifs, voire grossiers: la liste (banque de données), l'arborescence (navigation), l'accumulation encyclopédique, etc. Voilà les deux pôles entre lesquels se situe la critique de la raison médiatique avec, comme une basse continue, la question du contenu.

 

mardi 2 mars, 14h00

J. E. MÜLLER, professeur, Université d'Amsterdam (Pays-Bas)

Titre de la communication

L'intermédialité - ou quelques perspectives de la théorie et pratique d'une nouvelle approche interdisciplinaire

Résumé

Si nous entendons par "intermédialité" le fait qu'il y ait des relations médiatiques variables entre les médias et que leur fonction naît entre autres de l'évolution historique de ces relations, si nous entendons par "intermédialité" le fait qu'un médium recèle en soi des structures et des possibilités d'un ou de plusieurs autres médias, cela implique alors que la conception monadique du média isolé est irrecevable. (Ce qui ne signifie pas pour autant que les médias se plagient mutuellement, mais qu'au contraire, ils intègrent à leur propre contexte des questions, des concepts, des principes qui se sont développés au cours de l'histoire de l'art figuratif occidental.) Je me propose donc de présenter une évaluation du concept d'intermédialité dans le cadre des cinq grands axes qui définissent les recherches théoriques actuelles sur les productions culturelles:

1. Pragmatique et intermédialité

2. Cognition et intermédialité

3. Sémiotique et intermédialité

4. Esthétique et intermédialité

5. L'histoire des médias et intermédialité

J'illustrerai mon propos par des exemples de plusieurs cas intermédiatiques (notamment dans le domaine filmique le film Prospero's Books de Peter Greenaway.). Il restera à étudier comment cet axe de pertinence introduit par l'intermédialité bouscule les théories traditionnelles des médias et exige une réorientation des recherches.

 

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26 WLAD GODZICH, professeur, Département d'anglais, Université de Genève (Suisse). Titre de la communication : Définir les compétences nécessaires à l'intelligence d'une littérature générale. Résumé :

On sait que dans sa Petite Histoire de la Photographie le penseur allemand Walter Benjamin affirme péremptoirement que l'analphabétisme ne sera plus défini prochainement comme une incapacité de lire un texte mais comme celle de déchiffrer une image. En ce sens, le taux d'analphabétisme dans les pays les plus avancés dépasse les 99%, une situation d'incompétence qui n'a pour précédent que l'époque qui a vu l'invention de l'écriture. Dans la conclusion de ce petit traité, Benjamin fait une déclaration particulièrement énigmatique: il affirme que notre époque doit confronter la nécessité de ce qu'il appelle la "Literarisierung aller existentiallen Verhältnissen", soit la "littératurisation de toutes les relations existentielles". Je propose de tenter d'élucider cette déclaration en la reliant à la nécessité de nous attaquer au nouvel analphabétisme ambiant. Je relierai aussi la notion benjaminienne de "Literarisierung" à celle, évoquée par Jean-François Lyotard dans Au Juste, de "littérature générale".


 

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Document : /ww98/Mes documents/Ergologie/Cours/volume inattendu

Atelier 4B – La fabrication en question – 2004 –2005

Le collage requiert des plans de colle ; les volumes collés magiquement exploitent les applications possibles, ce qui exclut les jonctions d’arêtes.

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Document : /ww98/Mes documents/Ergologie/Cours/volume inattendu

Atelier 4B – La fabrication en question – 2004 –2005

Le collage requiert des plans de colle ; les volumes collés magiquement exploitent les applications possibles, ce qui exclut les jonctions d’arêtes.

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