Relevons les babioles

Exposition et chantier pour l'ergologie

 

Renseignements pratiques : exposition à Bazouges la Pérouse du 17 mars au 26 mai 2019. Ouverte le week-end , samedi et dimanche, de 15 h à 17h 30 ; vernissage le 17 mars suivi à 15 h d'un chantier d'expériences dans la salle polyvalente du Foyer de vie: Le chemin de planche.

http://www.association-levillage.org

(L'actualité est changeante: les modalités de la création artistique et sa réception conduisent à préférer maintenant des résidences d'artistes ;  Le Village fait place à Super Flux)

 

Nous avons développé une attention particulière aux choses a priori de peu d'importance, celles dont le consommateur se débarrasse après quelques utilisations. Pourquoi et comment les babioles peuvent-elles présenter un quelconque intérêt en dehors du service qu'elles nous rendent ? Pourquoi relever les babioles ?

Je m'explique : l'importance utilitaire dure un moment, l'importance technique n'a pas d'âge. Ce qu'il faut considérer, c'est la mise à jour d'un pouvoir faire matérialisé par l'objet usuel. Il nous fait voir notre capacité d'homo faberqui n'a pas cessé avec la préhistoire. La forte présence actuelle des hautes technologies pourrait faire croire que les ingénieurs sont là et s'occupent de cette culture technique. Mais la production industrielle, ou artisanale d'ailleurs, est orientée vers le rendement et l'efficacité. Pour nous qui n 'avons pas attendu l'ingénieur pour agir techniquement, le futile est encore utile. Utile à la compréhension de cette capacité singulière qui, lorsqu'elle se détraque nous empêche d'agir alors que nous avons notre pleine motricité. Je pense à un accidenté de la route qui sait désigner le savon qu'il a dans la main mais qui est incapable de s'en servir parce qu'il ne trouve pas le mode d'emploi ; je pense à telle autre qui après un traumatisme crânien confond les objets usuels et se met à tricoter avec un tournevis et une règle au lieu de saisir les aiguilles pourtant là disposées sur le plan de table. Il y a là des faits étranges que Jean Gagnepain, un linguiste à l'origine puis très vite un anthropologue, a relevés avec la collaboration de Olivier Sabouraud, un neurologue. On connaît un peu les aphasies, on ne sait presque rien des troubles de la manipulation.

Ma recherche voudrait signaler et problématiser cette réalité du faire manifeste dans nos activités quotidiennes. Elle n'est pas si évidente qu'on pourrait le croire. Pourquoi prendre un ustensile paraît si simple et facile ? C'est que les choses nous font faire, elles nous mettent en action. Comment nous devenons l'agent passif de leur programme matériel, même si nous savons mettre en rapport la fin avec le moyen ?

Cette réalité là nous échappe elle est comme un inconscient technique.

C'est pourquoi la question est posée : comment ça se fait ou ne se fait pas. Qu'est-ce qui se fait quand on fait ?

 

GLG

14-03-2019

 

Babioles

 

 

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Rele ve

 

 

 

Babioles et Production

 

 

Jusqu'ici, nous avons investigué les relations propres à l'instance de fabrication: quels moyens et quelles fins sont disponibles quantitativement et qualitativement avant toute mise en action. Quelles similarités et complémentarités sont déjà organisées et disponibles de même techniquement.

Envisageons maintenant, d'abord pratiquement, les relations entre les qualités utiles, les ustensiles, les opérations, les appareillages dans les actions outillées de la production. Relevons aussi les actions de même  finalité: succédané, secteur, et les actions complémentaires. On pourra procéder à la même analyse s'agissant de la modalité magique puis plastique de production.

Les relations d'interchangeabilité propres aux succédanés peuvent encore être déclinées selon que l'industrie est déictique, dynamique , schématique ou cybernétique

 

Babioles et déictique


La déictique prédominante fait valoir l'écriture, le dessin, la peinture et la sculpture pour une finalité de représentation le contenu d'un ouvrage-message. A travers ces média, la modalité pratique coniste à faire le maximum pour imposer une représentation de l'objet conçu/perçu ou de l'image. Mais les arts de la présentation ne sont pas moindres

La signalétique relève de la déictique. Dans l'exemple ci-dessous, cinq babioles font valoir des signaux: un mètre qui indique de la longueur, des feux de véhicule qui affirment une présence, un enjoliveur qui fait l'important, une sonnette qui annonce, un ampèremètre qui affiche l'intensité d'un courant électrique.


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Peintures croise es 33

 

 

Babioles et dynamique

 

Commençons par « mettre le feu aux poudres », le fait piézoélectrique et pyroélectrique de la tourmaline entre en synergie avec la friction du souffre et du phosphore. La synergie rappelle la synonymie : les dispositifs sont en opérations comme les mots dans les messages qui tentent de dire par substitution la même chose. Certes, l'effet dynamique n'est pas totalement départi de la plastique ni de la magie : il reste de la place pour ces modalités de production : un design graphiquepour former le manche, foudre jupitérien, un zigzag pour prolonger en déictique le simple fait banal de la manutention de l'allumette. 

La dynamique paraît plus complexe lorsqu'on se déporte vers l'ampoule électrique : il faut ajouter des appareillages par la coalescence propre à un appareil. L'intégration des tâches en machines n'est pas en cause, mais l'union de plusieurs contre l'isolement virtuel de leur unité. Un chantier a eu lieu qui pour mettre en relation, plus qu'en présence, le filament de tungstène, le vide, et le courant électrique utilisa le fer blanc mouluré jusqu'au culot de la lampe, une douille à baïonnette opérant leur jonction. Cette suite n'est plus celle de la fabrication, il y a à développer les pouvoir-faire pour parvenir à l'efficacité contre l'oxydation du tungstène et des contacts, contre le vide à rendre permanent, au risque de la lampe grillée. L'attention est requise pour éviter les contre-pouvoirs.

La complexité paraît grandir d'un cran par les faisceaux de fils électriques qui relient quatre appareils : un électro-vanne, un transformateur, un circuit imprimé et un contacteur, tout ce chantier de montage électrique pour qu'une chaudière à gaz ne s'éteigne pas sans couper l'arrivée du gaz. Dans cette affaire, convertissant le chauffage en courant électrique, l'électro-vanne tient la place vedette, l'énergie électrique est à conduire par les fils et les broches, à transformer par un transformateur, jusqu'à l'électro-aimant de la vanne.

Cet ensemble est montré dans son principe même par ce châssis d'assemblage où le trous forment un potentiel chantier en attente d'ustensiles à fixer et à relier pour fonctionner et produire un service précis. Lequel ? Les architectes du montage le diront...peut-être inspirés par ces engrenages à ressorts qui attendent leur fixation afin de produire du temps ?

 

Babioles et dynamique

 

Babioles et schématique

 

Babiole et sche matique 1

 

La nature intègre l'alimentaire par transformation : ingérer tel quel, sans préparation ne suffit pas à considérer que du comestible existe hors technique. Ce n'est pas le métabolisme qui délimite la denrée. Composé de cru ou de cuit, il est aussi formé que le repas qui organise le manger.

Ce sont les a priori qui font la qualité de l'aliment qu'il soit ou non présenté par l'emballage.

Il y a ce qui se débite au couteau, à la cuillère, ce qui se boit au verre, à la paille, ce qui se filtre, se tamise, se moule, se conserve, tout ce matériel est porteur de moyens et de fins avant même qu'on songe à leur finalité particulière.

Le bois de la boîte de fromage fait un écrin magique de naturalité, le contenant montre qu'on le partage. Le gobelet d'étain est transportable sans grande précaution, il est du voyage et s'oppose au verre fragile du sédentaire, les deux dosent la boisson. Le coquetier double la distance et l'enveloppe de la coquille, il ne fait pas que stabiliser l'oeuf : du manger, il fait toute une affaire qui ne se réduit pas à une bouchée. La boîte de conserve, organise la mise à disposition permanente de l'aliment ; à portée de main, il est déjà cuisiné. La passoire élabore la qualité du breuvage : on se sépare des déchets « impurs ». Le moule multiplie à plaisir les surfaces de chauffe pour la cuisson, certes, mais un rythme est apporté en même temps qu'un gâteau.

Les mets ont donc le goût de ce qui les fabrique : matériaux et dispositifs ne se font pas oublier bien que tous fassent le groupe ou l'individu, en plus de répondre au besoin naturel biologique.

 

 

Babioles et cybernétique 

 

C'est Norbert Wiener qui a initié la cybernétique en tant que technique (« science de contrôle des systèmes ») qui comporte en elle-même un autorégulation par rétroaction. Ce fameux feed backa ensuite cédé la place médiatique au cyber espacede la communication. L'anthropologie médiationniste n'ignore pas ces analyses techniques qu'elle re-situe en les élargissant, jusqu'à les englober dans un ensemble industriel, celui de l'aide technique, qui vise à garantir la production d'un bien éthico-moral. Le concept d' « ophélimité » est avancé pour désigner ce fait d'une maîtrise axiologique normalisant les actes, renforcée par des actions outillées . Artistique et Archéologie, Mémoires d'Archéologie Générale, Philippe Bruneau et Pierre-Yves Balut, § 75, 175.

Les babioles mises en scène ici tentent de montrer cette réalité focalisée sur le bien faire ( mais pas que ...Cf. Robert Filliou, Principes d'équivalence : bien fait, mal fait, pas fait... L'abstention par névrose et la tendance psychopathe y sont aussi). 

Une ardoise présente un dessin à la craie se référant à l'image habituelle de l'inspecteur outillé de sa légendaire loupe. Il s'agit de tirer les choses au clair, en concordance avec les traits blancs sur fond noir. Une connotation de culpabilité est introduite en même temps. La lampe de poche vient en aide ; il s'est passé quelque chose : l'anse brisée est là pour en témoigner et une réparation est en cours. On inspecte le lieu de l'accident virtuel et l'on rase de près le terrain en évitant d'effacer les preuves. On se retient et la contention par la ceinture dit qu'il ne faut pas laisser tomber, pas se relâcher comme le ruban festif et les mirlitons pourraient le suggérer. Mais tout n'est pas désagréable dans ce parcours axiologique : en suspension aérienne une mousse légère prévient les chocs, de même que ces trois protections d'angle qui coiffent le pied. Un trousseau de clés garde le lieu, un bloc aromatique le parfume et une ventouse antidérapante y assure la marche. Le tout se fait avec mesure, sous le mètre est au logis. De toute façon, l'ardoise le prouve : on peut tout effacer et recommencer... un autre parcours.

 

Babiole et cyberne tique

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