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Cette lecture de Loeiz Le Bras va de pair avec la réédition bilingue breton-français, 2024, du livre de contes paru la première fois en 1942: Da c'hortoz kreiznoz, En attendant minuit.

Pour suivre la lecture de cet extrait de l'orpheline du Boterf, Minourez ar boterv

 

 

En premier lieu...


 

Les problèmes techniques ou comment la technique fait problème ?

La technique n'est pas faite pour régler les problèmes, mais elle les règle.

La technique dresse devant nous un mur invisible, mais il y a des portes et des fenêtres

 

 

Il y a des problèmes que seule la technique peut gérer ; à condition de changer la façon dont on pose le problème. D'où la conséquence: il n'y a de problème que celui que la technique peut gérer.

Peut-on alors faire confiance à la technique? Le problème - encore un autre - c'est que l'analyse technique s'accomplit à l'insu de l'opérateur et cette analyse suppose une confiance. Le sens donné couramment au dispositif technique l'implique: nous recourons à la technique spontanément parce que nous disposons d'une assurance technique. Mais cette assurance n'est que relative: tout dispositif est inefficace car il ne gère que ce pour quoi il a été élaboré, non le problème particulier que le constructeur a à résoudre. Alors que faire? La réponse est: faire attention. Car heureusement, l'homo faber conserve sa capacité d'action animale qui fait retour dialectiquement sur la structure technique disponible et le conduit à restructurer, réaménager ces moyens et ces fins prêt-à-porter pour en faire du sur mesure.

Les produits cibles masquent l'activité

La position anthropologique qu'elle soit ou non médiationiste, ne peut faire valoir la technique par ses performances pas plus que le langage ne vaut par la littérature et la science parce qu'une capacité ne s'appréhende pas par ses effets. La technique est autant à l'oeuvre dans les pratiques quotidiennes de chacun que dans la pratique professionnelle de l'artisan ou de l'artiste, de l'ouvrier ou de l'ingénieur. Avant de sonder les motivations, les intentions profondes, les lieux sources de créativité et d'innovation pourraient bien se situer dans le faire lui-même. Car l'analyse technique n'est pas cantonnée au comment faire ; l'organisation à mettre à jour intègre pleinement les fins de l'activité. Reste à reconsidérer le vocable fin, il reste à développer les deux faces de l'outil.

La technique: parfois secondaire mais toujours déterminante

Parvenir à cette conclusion en forme d’introduction suppose qu’on ne confonde pas la technique avec un ensemble de moyens. Mais cela suppose aussi qu’on n’idéalise pas la fin technique en la chargeant de tous nos espoirs implicites. Dans le milieu des professionnels, on souligne souvent le fait de l’ignorance des contraintes par les concepteurs de projets tels que ceux d’architecture. Les ingénieurs présentent souvent les architectes comme d’augustes rêveurs sinon des apprentis sorciers. Inversement, les ingénieurs apparaissent mécanistes, occupés à des problèmes de résistance alors qu’on les voudrait liés au lieu de vie et à l’image du bâtiment.

Ce que ne percevra jamais un concepteur qui s’adresse à un exécutant, c’est que la construction ne se distribue pas entre un penseur et un opérateur : celui-ci prend en charge la totalité du travail non seulement parce que professionnellement il s’y engage, mais parce que le chantier est une réalité autre où n’existent plus d’objets, mais des moyens et des fins élaborés.

Pourquoi un problème de raclage chez un carreleur reste toujours un problème tant qu’il n’est pas fait, aussi efficace soit la pâte à joints. Pourquoi l’efficacité a priori d’une pâte de raclage n’est pas le souci du peintre attentif aux effets qui se produisent comme à ceux qu'il a initialement supposés. Ces deux conduites relèvent d’une même défiance vis à vis de la technique et d’un rapport dialectique à l’activité qui les fait tout à la fois s’investir dans une production et s’en distancier.

Anthropomorphisme

Pouvons nous y échapper, comme ce fou de convenance qui croyait pouvoir descendre de son vélo pour se regarder pédaler ?

Dans l’infiniment petit comme dans le rapport à l’infiniment grand, c’est l’inconnu technique: matière noire d’un côté, gluon et gêne poubelle de l’autre sont les horizons où l’on entrevoit les possibilités techniques de l’autre technicien sans pouvoir y accéder autrement que par les mots et leurs mythes.

Nous avons nos techniques au quotidien, et nous ne pouvons pas faire autrement que les mettre en action. Cultiver notre capacité d’agir techniquement apparaît de plus en plus comme une nécessité devant une sorte d’annexion des pouvoir-faire de chacun par la grande industrie qui ne connaît que secrets d’inventions et formats propriétaires.

Nous ne pouvons que projeter notre propre technique sur ce paysage qu’on nous décrit de loin.

L’ « épissage1 » qu’invoque Jean-Yves Nau à propos des fonctions diversifiées des gênes semblerait requalifier l’humain d’usine biotechnique où des agents vivants réaliseraient en nous une visée inconnue de nous-mêmes. Et nous hébergerions alors organiquement comme un théâtre métaphysique dont nous serions les acteurs et les spectateurs toujours limités par la cadre fixe de chacune des unités d’actions dont le but nous échapperait et proposées par un metteur en scène absent capable néanmoins d’imposer l’exécution de son scénario caché.

 

 

 

1 « épissage alternatif » : phénomène par lequel un seul gêne peut être à l’origine de la synthèse de nombreuses protéines différentes. Ceci n’est pas sans rappeler la polytropie de la tâche…

 

Blog externe

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Les articles de ce blog n'ont pas l'unité de La Fabrication en questions ; pour autant et en dépit des modes d'écriture différents ils sont toujours un tant soit peu liés à l'ergotropie,  actualisée de surcroît.